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Le Comité Central sut utiliser ce courant. Il venait d’apprendre la proclamation de la Commune à Lyon et, le 24, il parla sans détour : « Quelques bataillons égarés par des chefs réactionnaires ont cru devoir entraver notre mouvement… Des maires, des députés, oublieux de leur mandat, ont encouragé cette résistance… Nous comptons sur votre courage pour aller jusqu’au bout… On nous objecte que l’Assemblée nous promet, pour un temps non déterminé, l’élection communale et celle de nos chefs et que, dès lors, notre résistance n’a plus à se prolonger… Nous avons été trompés trop de fois pour ne pas l’être encore ; la main gauche reprendrait ce qu’aurait donné la main droite… Voyez ce que le Gouvernement fait déjà. Il vient de jeter à la Chambre, par la voix de Jules Favre, le plus épouvantable appel à la guerre civile, à la destruction de Paris par la province, et déversé sur nous les calomnies les plus odieuses ».

Ayant parlé, le Comité agit, nomma trois généraux, Brunel, Duval et Eudes. Il avait enfermé Lullier ivre-fou et qui, assisté d’un état-major d’intrigants, Du Bisson, Ganier d’Abin, avait la veille encore laissé sortir de Paris, avec armes et bagages, tout un régiment campé au Luxembourg. Un instant, le général Cremer, brillant officier de l’armée des Vosges, venu à l’Hôtel-de-Ville pour réclamer la liberté du général Chanzy et acclamé par la foule, avait failli servir le Comité Central[1].

Les généraux s’annoncèrent vigoureusement : « Le temps n’est plus au parlementarisme… Il faut agir… Paris veut être libre… Tout ce qui n’est pas avec nous est contre nous. La grande cité ne permet pas qu’on trouble impunément l’ordre public ».

Avertissement direct au camp de la Bourse qui se dégarnissait singulièrement. Chaque séance de Versailles amenait des désertions nouvelles. Les femmes

  1. Cremer exigeait le commandement de la garde nationale. On le lui refusa. Il se vengea en injuriant le Comité Central devant la commission d’enquête, se brouilla ensuite avec Versailles et mourut dans les futailles.