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trouvait, disaient-ils, la seule caisse légale. Il vint quelques centaines d’hommes de beaucoup d’ordre pour toucher, non se battre. Les chefs eux-mêmes commençaient à se diviser. Quelques furieux parlaient toujours de tout balayer, Vautrain, Dubail, Denormandie, Degouve-Denuncques, Héligon, l’ancien de l’Internationale, admis depuis le 4 Septembre aux cuisines bourgeoises et acharné comme les renégats ; la plupart voulaient une conciliation, surtout depuis que plusieurs députés et adjoints, Millière, Malon, Dereure, Jaclard, etc., en se séparant de la réunion avaient accusé sa figure réactionnaire. Quelques maires se mirent en tête d’éclairer les ruraux par une scène d’attendrissement.

Ils vinrent le 23, à Versailles, au moment où l’Assemblée reprenant courage faisait appel à la province pour marcher sur Paris. Très solennels, ils apparurent à la tribune du président traversés de leurs écharpes. La Gauche applaudit, crie : « Vive la République ! » Les maires redoublent. La Droite et le Centre : « Vive la France ! à l’ordre ! » et, du poing, ils menacent les députés de la Gauche qui répondent : « Vous insultez Paris ! » Les ruraux : « Vous insultez la France ! » Leur ami Grévy se couvre ; la séance est levée. Le soir, un député-maire, Arnaud de l’Ariège, lut à la tribune la déclaration que ses collègues avaient apportée et termina : « Nous sommes à la veille d’une affreuse guerre civile. Il n’y a qu’un moyen de l’éviter : que l’élection du général en chef de la garde nationale soit fixé au 28, celle du conseil municipal au 3 avril. » Ce vœu alla s’enterrer dans les bureaux.

Les maires revinrent à Paris, fort suffoqués. Paris était déjà très irrité d’une dépêche où M. Thiers annonçait à la province que les anciens ministres bonapartistes, Rouher, Chevreau, Boitelle, arrêtés par le peuple de Boulogne, avaient été protégés et que le maréchal Canrobert, complice de Bazaine, venait d’arriver à Versailles pour offrir ses services au Gouvernement. Il y eut un revirement subit dans les journaux des bourgeois républicains. Les attaques contre le Comité Central faiblirent. Les modérés commencèrent à tout redouter de Versailles.