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L’illégalité ! C’est ainsi que posaient la question, les légitimistes implantés deux fois par les baïonnettes, les Orléanistes sortis des pavés, les brigands de Décembre, les proscrits ramenés par l’insurrection. Eh quoi ! lorsque les grands qui font toutes les lois procèdent toujours illégalement, comment doit procéder le travailleur contre qui toutes les lois sont faites ?

Ces deux attaques des maires, députés et des journaux remontèrent les fiers-à-bras de la réaction. Depuis deux jours, la tourbe de ces francs-fileurs qui avaient, pendant le siège, empesté les cafés de Bruxelles et les trottoirs de Hay-Market, gesticulaient sur les boulevards élégants, demandant l’ordre et le travail. Le 21, vers une heure, place de la Bourse, une centaine de ces travailleurs firent le tour de l’arche sainte, drapeau en tête et, débouchant sur le boulevard aux cris de : Vive l’Assemblée ! vinrent, place Vendôme, crier devant l’état-major : À bas le Comité ! Le commandant de la place, Bergeret, essaya de leur dire : « Envoyez-nous des délégués. » — « Non, non ! Pas de délégués ! Vous les assassineriez ! » Les fédérés, perdant patience, firent évacuer la place. Les boursiers se donnèrent rendez-vous, pour le lendemain, devant le nouvel Opéra.

L’Assemblée versaillaise, à la même heure faisait sa manifestation. Son Officiel affirmait « qu’on avait trouvé la preuve certaine de l’affiliation des factieux avec les plus détestables agents de l’Empire et les intrigues ennemies » Picard lut une adresse au peuple et à l’armée, pleine de faussetés et d’injures contre Paris, Millière se permet de dire qu’elle contient des mots malheureux ; il est hué. Langlois et ses amis l’accepteraient bien si l’on voulait seulement signer : Vive la République ! l’immense majorité refuse. Clemenceau, Brisson, Louis Blanc lui-même adjurent l’Assemblée d’examiner immédiatement leur projet de loi municipale, d’opposer un vote aux élections que le Comité annonce pour le lendemain. « Laissez-nous le temps d’étudier la question, répond aigrement M. Thiers, Paris ne peut être gouverné comme une ville de trois mille âmes. » — « Du temps ! s’écrie M. Clemenceau, c’est ce qui nous manque à tous ! » — « Alors, continue M. Thiers,