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d’après la situation qui leur fut remise, quatre millions six cent mille francs, mais les clefs étaient à Versailles. En présence des pourparlers engagés avec les maires, les délégués ne voulurent pas forcer les serrures et ils demandèrent à Rothschild l’ouverture d’un crédit à la Banque ; il leur fit dire qu’on avancerait cinq cent mille francs. Le Comité Central, abordant la question plus carrément, envoya trois délégués à la Banque. On leur répondit qu’il y avait un million à la disposition de Varlin et de Jourde. À six heures du soir, les deux délégués furent reçus par le gouverneur. « J’attendais votre visite, dit M. Rouland. La Banque, au lendemain de tous les changements de pouvoir, a dû venir en aide au nouveau. Je n’ai pas à juger les événements. La Banque de France ne fait pas de politique. Vous êtes un gouvernement de fait. La Banque vous donne pour aujourd’hui un million. Veuillez seulement mentionner dans votre reçu que cette somme a été réquisitionnée pour le compte de la Ville. » Les délégués emportèrent un million en billets de banque. Restait à les monnayer et les employés du ministère des Finances avaient disparu ; grâce à quelques dévoués on parvint à répartir assez rapidement la somme entre les officiers-payeurs. À dix heures, Varlin et Jourde annonçaient au Comité Central que la solde se distribuait dans tous les arrondissements.[1]

La Banque fut sage, le Comité tenait solidement Paris. Les maires et les députés n’avaient pu réunir que trois ou quatre cents hommes. Le Comité était assez sûr de sa force pour faire démolir les barricades. Tout venait à lui ; la garnison de Vincennes s’offrait spontanément avec la place. Sa victoire même devenait périlleuse en l’obligeant d’éparpiller ses troupes, pour prendre possession des forts du sud abandonnés.

  1. La Gauche vit là une manœuvre bonapartiste, écrivit, dit à la tribune : « Le directeur bonapartiste de la Banque de France a sauvé le Comité Central ; sans le million du lundi le Comité capitulait. » Deux faits répondent. Le 19, le Comité pouvait prendre aux Finances quatre millions six cent mille francs et la caisse municipale contenait douze cent mille francs ; le 21, l’octroi en avait donné cinq cent mille.