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on vient nous dire que la plupart des membres du Gouvernement sont encore à Paris ; la résistance s’organise dans le Ier et le IIe arrondissements ; les soldats partent pour Versailles. Il faut prendre des mesures rapides, s’emparer des ministres, disperser les bataillons hostiles, empêcher l’ennemi de sortir. »

En effet, Jules Favre et Picard venaient à peine de quitter Paris que Jules Simon, Jules Ferry, Dufaure, Leflô, Pothuau avaient fui pendant la nuit. Les ministères déménageaient ouvertement ; de longues bandes de militaires s’écoulaient encore par les portes de la rive gauche. Le Comité continua de signer, négligea cette précaution classique, la fermeture des portes, se cantonna dans les élections. Il ne vit pas, bien peu voyaient la mort entre Paris et Versailles.

Le Comité, se distribuant la besogne, envoya des délégués s’emparer des ministères et des différents services. Plusieurs de ces délégués furent pris en dehors du Comité parmi les hommes d’action qu’on connaissait : Varlin et Jourde allèrent aux Finances ; Eudes à la Guerre ; Duval et Raoul Rigault à la Préfecture de police ; Bergeret à la Place ; Edouard Moreau eut la surveillance de l’Officiel et de l’Imprimerie, Assi le gouvernement de l’Hôtel-de-Ville. Quelqu’un du Comité ayant parlé d’un supplément de solde, ses collègues protestèrent. « Quand on est sans contrôle et sans frein, dit Moreau, il est immoral de s’allouer un traitement quelconque. Nous avons jusqu’ici vécu avec nos trente sous ; ils nous suffiront encore. » Une permanence fut constituée et le Comité s’ajourna à une heure.

Au dehors, bruissait un joyeux bourdonnement. Un soleil de printemps riait aux Parisiens. C’était, depuis huit mois, le premier jour d’espoir. Devant les barricades de l’Hôtel-de-Ville, à la butte Montmartre, sur tous les boulevards, fourmillaient les curieux. Qui donc parlait de guerre civile ? l’Officiel seul. Il racontait les événements à sa manière : « Le Gouvernement avait épuisé toutes les voies de conciliation » et, faisant un appel désespéré à la garde nationale : « Un Comité prenant le nom de Comité Central a assassiné de sang-froid les généraux Clément Thomas et Lecomte. Quels sont les membres de ce Comité ? Sont-ils communistes, bona-