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rue Doudeauville et ils parcourent le XVIIIe arrondissement. À huit heures, ils sont trois cents officiers et gardes qui remontent le boulevard Ornano. Un poste de soldats du 88e sort, on leur crie : Vive la République ! Ils suivent. Le poste de la rue Dejean les rallie et, crosse en l’air, soldats et gardes confondus gravissent la rue Muller qui mène aux buttes tenues de ce côté par les soldats du 88e. Ceux-ci, voyant leurs camarades mêlés aux gardes, font signe de venir, qu’ils livreront passage. Le général Lecomte saisit leur mouvement, les fait remplacer par des sergents de ville et jeter dans la tour Solférino, ajoutant : « Votre compte est bon ! » Les remplaçants ont à peine le temps de lâcher quelques coups de feu. Gardes et lignards franchissent le parapet ; un grand nombre d’autres gardes, la crosse en l’air, des femmes et des enfants débouchent sur le flanc opposé, par la rue des Rosiers. Lecomte cerné commande trois fois le feu. Ses hommes restent l’arme au pied. La foule se joint, fraternise, arrête Lecomte et ses officiers.

Les soldats qu’il vient d’enfermer dans la tour veulent le fusiller. Les gardes nationaux parviennent à le dégager et, à grand’peine — la foule le prend pour Vinoy — le conduisent avec ses officiers au Château-Rouge, quartier général des bataillons de Montmartre. Là, on lui demande de faire évacuer les buttes. Il signe l’ordre sans hésiter, comme fit en 48 le général Bréa[1]. L’ordre est porté aux officiers et soldats qui occupent encore la rue des Rosiers. Les gendarmes rendent leurs chassepots et crient : « Vive la République ! » Trois coups de canon tirés à blanc annoncent à Paris la reprise des buttes.

À la gauche de Lecomte, le général Paturel a vainement essayé de faire descendre par la rue Lepic quelques-uns des canons du Moulin de la Galette. La foule

  1. Cet ordre, enjoignant à la troupe de défiler au milieu des gardes nationaux, fut rédigé au crayon par un capitaine. Lecomte le transcrivit à la plume sans y changer un seul mot. Le conseil de guerre a nié pour faire une figure à ce général qui mourut médiocrement.