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ils ? Les agitateurs du siège, les socialistes de la Corderie, les écrivains en renom ? Nullement. Il n’y a parmi les élus aucun nom ayant notoriété quelconque. Les commissaires sont des petits bourgeois, boutiquiers, employés, étrangers à toutes les coteries, jusque-là même à la politique pour la plupart, s’appellent Génotel, Alavoine, Manet, Frontier, Badois, Morterol, Mayer, Arnold, Piconel, Audoynaud, Soncial, Dacosta, Masson, Pé, Weber, Trouillet, Lagarde, Bouit. Leur président, Courty, n’est connu que par la réunion du Cirque ; il est républicain, mais modéré. Dès le premier jour, l’idée de la fédération apparut ce qu’elle était, républicaine, non sectaire, par cela même irrésistible. Clément Thomas le comprit, dit au Gouvernement qu’il ne répondait plus de la garde nationale et il donna sa démission. On le remplaça provisoirement par le signataire de la capitulation, Vinoy.

Le 24, au Wauxhall, devant deux mille délégués de compagnies et gardes nationaux, la commission lut son projet de statuts et pressa les délégués de procéder immédiatement à l’élection d’un Comité Central.

Ce jour-là, la réunion était houleuse, inquiète, peu capable d’un scrutin. Chacun des huit derniers jours avait apporté de Bordeaux des menaces plus dures. M. Thiers, le fossoyeur de la République de 48, nommé chef du pouvoir exécutif, ayant pour ministres Dufaure, de Larcy, Pouyer-Quertier, la réaction bourgeoise, légitimiste, impérialiste ; Jules Favre, Jules Simon, Picard, les livreurs de Paris ; la solde indispensable encore, jusqu’à l’ouverture des ateliers, transformée en aumône[1], et, surtout, la terrible humiliation imminente. L’armistice, prolongé de huit jours, expirait le 26, et les journaux annonçaient pour le 27 l’entrée des Prussiens dans Paris. Depuis une semaine, ce cauchemar veillait au chevet des Parisiens. Aussi la réunion courut aux questions brûlantes. Un délégué propose : la garde nationale ne reconnaît pour chefs

  1. Il fallait, pour obtenir la solde, la demander par écrit et prouver qu’on ne pouvait pas se procurer du travail. (Jules Simon, Le gouvernement de M. Thiers.)