Page:Lissagaray - Alfred de Musset devant la jeunesse, Cournol, 1864.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouverez toutes les douleurs fondues pour ainsi dire en une seule. Vous chercherez en vain une larme honteuse.

De tous les débauchés de la ville du monde
Où le libertinage est à meilleur marché,
De la plus vieille en vice et de la plus féconde,
Je veux dire Paris. — Le plus grand débauché
Était Jacques Rolla…..

Et voici ses titres de gloire

Jacques était grand, loyal, intrépide et superbe.
……….
Il prit trois bourses d’or, et, durant trois années,
Il vécut au soleil sans se douter des lois ;
Et jamais fils d’Adam, sous la sainte lumière,
N’a, de l’est au couchant, promené sur la terre
Un plus large mépris des peuples et des rois.
Ce n’était pour personne un sujet de mystère
Qu’il eût trois ans à vivre, et qu’il mangea son bien.
Le monde souriait en le regardant faire.
Et lui, qui le faisait, disait à l’ordinaire
Qu’il se ferait sauter quand il n’aurait plus rien.

C’était un noble cœur, naïf comme l’enfance,
Bon comme la pitié, grand comme l’espérance.

Voilà Werther, voici Charlotte.

Si ce n’est pas ta mère, ô pâle jeune fille,
Quelle est donc cette femme assise a ton chevet,
Qui regarde l’horloge et l’âtre qui pétille,
En secouant la tête et d’un air inquiet ?
Qu’attend-elle si tard ? — Pour qui, si c’est ta mère,
S’en va-t-elle entr’ouvrir, depuis quelques instants,
Ta porte et ton balcon si ce n’est pour ton père ?
Et ton père, Marie, est mort depuis longtemps.
Pour qui donc ces flacons, cette table fumante,
Que, de ses propres mains, elle vient de servir ?