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fini avec la première période de la révolution. Nous montons aujourd’hui portés par le souffle de Voltaire.

Nous voilà, croyez-vous, bien loin de M. de Musset. Nous y touchons néanmoins. Enlevez à Rousseau cet immense amour de l’humanité, qui donna un but à ses études sur la nature, que restera-t-il de cet homme ? Un génie contemplatif, rêveur ; mais cette contemplation sera sans objet, n’ayant pas l’homme pour fin dernière. Elle deviendra donc un tourment, et d’autant plus âpre et plus douloureux que le sentiment de la nature sera plus vif. Supposez Rousseau débauché, et que dans ses intervalles de lucidité son génie contemplatif se réveille. Ici la douleur de cette contemplation sans objet s’accroît de ses retours sur lui-même, dans lesquels le doute s’ajoute au mépris de lui. Dans le premier cas, vous avez Werther ; vous avez M. de Musset dans le second. Non pas M. de Musset complet, entier ; oh ! non, il y a de tout dans cet homme, et surtout de la vanité, de cette vanité qui est toujours fille de l’ignorance. A un sentiment naturel, vient se joindre un sentiment factice. On a lu Manfred, et sans s’inquiéter de le comprendre, on a cru, pour être original, qu’il suffisaitde l’imiter. Il sera donc, je crois, vrai et facile de résumer M. de Musset dans ces termes.

Sentiment du beau : vanité.

Je vais essayer maintenant, messieurs, de vérifier devant vous l’exactitude de ces termes. Nul homme n’aura été plus complètement percé à jour que M. de Musset. Nous ignorons beaucoup de Rousseau, même après ses Confessions ; dès la première ligne de l’apologie de sa conduite, nous connaissons M. de Musset. Le titre qu’il inscrit en tête de sa confession, Un enfant du siècle, est faux, vaniteux et vantard. Qu’est-ce que c’est que cette prétendue encyclopédie de 300 pages ? C’est donc cet homme sans opinions, sans convictions, sans principes, qui prétend incarner dans lui-même l’esprit de cette époque. (Bruits, protestations.)

Messieurs, j’en suis fâché, mais cette chaire n’a pas été