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ALFRED DE MUSSET


DEVANT


LA JEUNESSE




Messieurs,


On pourrait dire de l’homme dont je viens vous entretenir aujourd’hui qu’il n’a eu parmi ceux qui croient au devoir et à la morale que des admirateurs superficiels et que ses ennemis ont été les seuls à bien l’étudier, par conséquent à bien le connaître. C’est le contraire, je le crois, de toutes les individualités puissantes qui ne conquièrent des convictions que par une étude approfondie. Il est peut-être le seul de tous nos poëtes français qui puisse séduire au point d’inspirer de l’indulgence à ceux-là mêmes qui le condamnent. J’ai pour but de démontrer que cette indulgence n’est pas logique. J’en ai encore un autre, et si je ne l’atteins pas, je ne pourrai même comme excuse arguer de mon insuffisance. Je veux, usant du plus précieux des avantages de cette chaire, faire ici une protestation. Sur une tombe de Montmartre on a évoqué l’image de la jeunesse, qui de ses mains de marbre couronne le buste du plus fidèle disciple de M. de Musset. De quel droit y est-elle ? Qui l’a mise ? Est-ce nous ? Non, tu n’es pas la jeunesse, toi qui ne scelles que le néant ; non, tu n’es pas la jeunesse, toi qui ne peux contenir que des fleurs dans ta main, et si nous étions en peine d’un symbole c’est à cette image voisine, enveloppée d’un suaire de bronze, crispant dans sa main la plume et