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inerte ou passive, et ta défense active avec des retours offensifs. La première est toujours pernicieuse ; la seconde peut procurer de grands succès. Le but d’une guerre défensive étant de couvrir le plus long-temps possible la portion du territoire menacée par l’ennemi, il est évident que toutes les opérations doivent avoir pour but de retarder ses progrès, de contrarier ses entreprises en multipliant les difficultés de sa marche, sans néanmoins laisser entamer sérieusement sa propre armée. Celui qui se décide à l’invasion le fait toujours par suite d’un ascendant quelconque ; il doit chercher dès-lors un dénouement aussi prompt que possible. Le défenseur, au contraire, doit le reculer jusqu’à ce que son adversaire soit affaibli par des détachemens obligés, par les marches, les fatigues, les privations, etc.

Une armée ne se réduit guère à une défense positive que par suite de revers ou d’une infériorité flagrante. Dans ce cas elle cherche, sous l’appui des places, et à la faveur des barrières naturelles ou artificielles, les moyens de rétablir l’équilibre des chances, en multipliant les obstacles qu’elle peut opposer à l’ennemi.

Ce système, lorsqu’il n’est pas poussé trop loin, présente aussi d’heureuses chances, mais c’est dans le cas seulement ou le général qui se croirait obligé d’y recourir, aurait le bon esprit de ne pas se réduire à une défense inerte, c’est-à-dire qu’il se garderait d’attendre sans bouger, dans les postes fixes, tous les coups que l’ennemi voudrait lui porter ; il faudra qu’il s’applique, au contraire, à redoubler l’activité de ses opérations, et à saisir toutes les occasions qui se présenteront de tomber sur les points faibles de l’ennemi, en prenant l’initiative des mouvemens.

Ce genre de guerre, que j’ai nommé autrefois la défensive-offensive[1], peut être avantageux en stratégie comme en tactique. En agissant ainsi, on se donne les avantages des deux systèmes, car on a ceux de l’initiative, et l’on est plus maître de saisir l’instant où il convient de frapper, lorsqu’on attend l’adversaire au milieu d’un échiquier que l’on a préparé d’avance au centre des ressources et des appuis de son propre pays.

Dans les trois premières campagnes de la guerre de sept ans, Frédéric-le-Grand fut agresseur ; mais dans les quatre dernières, il donna le vrai modèle d’une défense-offensive. il faut avouer néanmoins qu’il fut merveilleusement secondé par ses adversaires, qui lui donnèrent l’envi tout le loisir et les occasions de prendre l’initiative avec succès.

Wellington joua le même rôle dans la majeure partie de sa carrière en Portugal, en Espagne et en Belgique, et c’était en effet le seul qui convînt à sa position. Il est toujours facile de faire le Fabius lorsqu’on le fait sur un territoire allié, que l’on n’a point à s’inquiéter du sort de la capitale ou des provinces menacées, en un mot, lorsqu’on peut consulter uniquement les convenances militaires.

En définitive, il paraît incontestable qu’un des plus grands talens d’un général est de savoir employer tour à tour ces deux systèmes, et surtout de savoir ressaisir l’initiative au milieu même d’une lutte défensive.

  1. D’autres l’ont nommée défense active, ce qui n’est pas aussi juste, puisque la défense pourrait être très active sans être offensive pour cela ; on peut néanmoins adopter le mot, qui est le plus grammatical.