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simple que les critiques ne lui ont pas manqué. On a objecté qu’il était fort aisé de recommander de porter ses principales forces sur les points décisifs et de savoir les y engager, mais que l’art consistait précisément bien reconnaître ces points.

Loin de contester une vérité si naïve, j’avoue qu’il serait au moins ridicule d’émettre un pareil principe général, sans l’accompagner de tous les développemens nécessaires pour faire saisir les différentes chances d’application aussi n’ai-je rien négligé pour mettre chaque officier studieux en état de déterminer facilement les points décisifs d’un échiquier stratégique ou tactique. On trouvera, à l’article 19 ci-après, la définition de ces divers points, et on reconnaîtra dans tous les articles 18 à 22, les rapports qu’ils ont avec les diverses combinaisons d’une guerre. Les militaires qui, après les avoir médités attentivement, croiraient encore que la détermination de ces points décisifs est un problème insoluble, doivent désespérer de jamais rien comprendre à la stratégie.

En effet, un théâtre général d’opérations ne présente guère que trois zones, une à droite, une à gauche, une au centre. De même, chaque zone, chaque front d’opérations, chaque position stratégique et ligne de défense, comme chaque ligne tactique de bataille, n’a jamais que ces mêmes subdivisions, c’est-à-dire deux extrémités et un centre. Or il y aura toujours une de ces trois directions qui sera bonne pour conduire au but important que l’on veut atteindre ; une des deux autres s’en éloignera plus ou moins, et la troisième lui sera tout à fait opposée. Dès-lors, en combinant les rapports de ce but avec les positions ennemies et avec les points géographiques, il semble que toute question de mouvement stratégique, comme de manœuvre tactique, se réduira toujours à savoir si, pour y arriver, l’on doit manœuvrer à droite, à gauche, ou directement devant soi : le choix entre trois alternatives si simples ne saurait être une énigme digne d’un nouveau sphinx.

Je suis loin de prétendre néanmoins que tout l’art de la guerre ne consiste que dans le choix d’une bonne direction à donner aux masses ; mais on ne saurait nier que c’est du moins le point fondamental de la stratégie. Ce sera au talent d’exécution, au savoir faire, à l’énergie, au coup-d’œil, à compléter ce que de bonnes combinaisons auront su préparer.

Nous allons donc appliquer d’abord le principe indiqué aux différentes combinaisons de la stratégie et de là tactique, nous réservant : de prouver, par l’histoire de vingt campagnes célèbres, que les plus brillans succès et les plus grands revers furent, à très peu d’exceptions près, le résultat de l’application ou de l’oubli que l’on en fit[1].


Du système des opérations.

La guerre une fois résolue, la première chose à décider, c’est de savoir si elle sera offensive ou défensive. Avant tout, il convient de bien définir ce qu’on entend par ces mots.

L’offensive se présente sous plusieurs faces si elle est dirigée contre un grand État, qu’elle embrasse, sinon

  1. On trouvera la relation de ces vingt campagnes, avec cinquante plans de batailles, dans l’Histoire de la guerre de sept ans, dans celle des guerres de la Révolution, et dans la Vie politique et militaire de Napoléon, publiées par le général Jomini.