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profonde et se livrent tranquillement à leurs occupations habituelles, quoique souvent très voisins du théâtre où la guerre est le plus animée.

Quant aux prétendus calculs dont nous avons dit un mot ci-dessus, et par lesquels on croit pouvoir assigner la durée du siége dont une place est susceptible, et l’époque de sa reddition, nous tâcherons de les apprécier dans le chapitre suivant.


CHAPITRE VI.

Absurdité des calculs par lesquels on prétend déterminer la durée d’un siége et en fixer le terme. — Contradictions de ceux qui établissent de semblables calculs. — Ils sont démentis par les faits les plus importans. — Ils ne tendent qu’à affaiblir l’énergie des défenseurs.

On a toujours regardé comme essentiel qu’il y eût dans les armées un corps d’officiers chargés spécialement de tenir le journal exact de tout ce qui s’y fait de remarquable ; qui eût soin de lever la carte topographique du théâtre des opérations, le plan de chaque bataille, et qui indiquât sur ce plan les mouvemens exécutés par chacun des corps militaires pendant l’action.

Indépendamment de l’intérêt que doit avoir un pareil travail pour tout homme de guerre, il est une source d’instructions utiles : il apprend à réfléchir sur la cause des succès et des revers ; il fait apercevoir les fautes commises de part et d’autre ; il enseigne à les éviter dans de nouvelles occasions et à profiter de celles de l’ennemi.

On tient également le journal régulier de tous les siéges qui se font pendant le cours de chaque campagne. Ce journal marque jour par jour, ou plutôt nuit par nuit, quel a été le progrès des tranchées, l’effet des sorties, des mines et des contremines, des attaques méthodiques et de vive force. Ces journaux forment un corps d’expériences militaires qui est en quelque sorte le répertoire des commandans et des officiers du génie, dans la guerre des siéges, tant pour l’attaque que pour la défense.

L’un des résultats les plus remarquables de ces expériences, est qu’une place de telle ou telle grandeur, fortifiée suivant telle ou telle méthode, est susceptible d’une défense commune de tant de jours à peu près ; car c’est sur ce nombre de jours qu’on règle les munitions qui doivent former l’approvisionnement de chaque place de la même classe et l’ensemble de là défense.

Mais il est un élément, et c’est le plus important de tous, qui ne saurait entrer dans ces sortes de calculs, c’est l’enthousiasme, cet amour de la patrie et de la gloire qui animait les héros de l’antiquité, ceux des croisades, ceux de la chevalerie, et encore plusieurs guerriers fameux, tant des siècles derniers que nos contemporains.

Cependant ces traits de bravoure, qui sortent des règles établies sur la marche des défenses communes, rendent illusoire et même dangereuse l’application des calculs dont nous avons parlé ci-dessus ; car, en limitant sur une durée très restreinte les moyens nécessaires à une défense prolongée, elles interdisent en quelque sorte ces exceptions brillantes.

Mais S. M., qui a montré en tant de circonstances qu’elle sait mettre en action les ressorts secrets de cette puissance morale, veut que ce qui a fait exception jusqu’à ce jour, soit dé-