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teries eurent-elles commencé à jouer, que la place se rendit, ce qui nous procura une magnifique tête de pont.

En 1702, lorsque le maréchal de Villars, qui était parti de l’Alsace pour aller rejoindre l’électeur de Bavière, arriva près de Kintzingen, il fit sommer la garnison de mettre bas les armes, sous peine d’être passée au fil de l’épée, déclarant que, si elle osait tirer un seul coup, tout serait mis à feu et à sang dans la ville. Le commandant, intimidé par ces menaces, se rendit sans coup férir. On trouva dans la ville, qui était bien fortifiée, une nombreuse artillerie et beaucoup de munitions dé guerre et de bouche.

M. de Villars dit aux officiers-généraux encartant de Kintzingen : Avouez, messieurs, que si cette place ne se fût pas rendue, il nous eût été impossible de la prendre, n’ayant pas de canon, et nous n’aurions pu aller par conséquent plus loin. Il faut quelquefois que la hardiesse suppléé aux forces. Des menaces, faites à propos à un ennemi qui se croit supérieur et hors d’insulte, ne peuvent que le surprendre, et lui donner souvent des alarmes qui l’obligent à accorder des choses qu’on ne saurait obtenir autrement.

Ces exemples prouvent qu’il faut savoir braver les menaces de son ennemi, et qu’elles ne sont, le plus souvent, que l’effet de l’impossibilité où il se trouve de déployer des forces suffisantes pour former des attaques régulières. La reddition des places, en pareil cas, lui fournit précisément les moyens dont il manquait, des places intactes, des magasins, des troupes qui deviennent disponibles, lorsqu’il aurait fallu les employer à former le siège.

À l’égard des autres entreprises de ce genre, comme surprises, escalades attaques de vive force, sujet trop négligé par les auteurs modernes, on trouvera tout ce qui les concerne dans le Traité des Fortifications du chevalier de Ville.


CHAPITRE IV.

Si une place ne se défendait point jusqu’à la dernière extrémité, il serait à peu près indifférent qu’elle fût bien ou mal fortifiée. — Les difficultés réelles ne commencent, qu’au glacis. — La défense des brèches, étant l’opération la plus critique et la plus meurtrière pour t’assiégeant, est aussi la plus capable de le rebuter, et la plus décisive pour l’honneur de la garnison.

La construction des places fortes, leur entretien, leur approvisionnement, entraînent le souverain à d’énormes dépenses. Ces dépenses sont bien employées, puisqu’elles suppléent à des dépenses beaucoup plus grandes, qu’il faudrait faire pour augmenter l’armée active en proportion convenable. En effet, il faudrait placer à tous les débouchés, à tous les lieux où ces postes sont utiles, des corps de troupes qui pussent en tenir lieu, c’est-à-dire huit ou dix fois aussi considérables que ceux qui en composent les garnisons car il est reconnu par l’expérience qu’une garnison peut tenir tête à une force à peu près décuple, à laquelle il faudrait en opposer une équivalente, s’il n’y avait une place forte pour y suppléer.

L’effet que produit celle-ci est même plus sûr, parce que, quelle que soit la force de l’agresseur, elle peut toujours résistera un coup de main ; au lieu qu’un corps quelconque de troupes peut être attaqué à l’improviste par un corps beaucoup plus considérable inopinément rassemblé, et se trouver obligé d’abandonner, au moins momentanément, la