Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 5, 1844.djvu/525

Cette page n’a pas encore été corrigée

chemens, et qu’au dernier le gouverneur sera reçu à composition très honorable, aura la gloire de s’estre deffendu vaillamment, sera loué des ennemis et estimé de son prince. »

« Je n’approuverai jamais (dit M. de Feuquières) la conduite des gouverneurs qui croient se devoir ménager une capitulation avec ce qu’on appelle faussement des marques d’honneur, que je crains fort que les fautes dans la défense ou la capitulation prématurée ne leur aient acquises.

» Je tiens ces marques d’honneur pour véritables marques de honte, et je crois que l’attaquant est bien plus disposé a traiter avec des marques d’honneur un gouverneur qui lui disppute tout son terrain avec capacité et valeur, et qu’il yoit encore en disposition de lui vendre bien cher ce qui lui en reste, que non pas celui dont la défense a été sans capacité et sans valeur, et qui par conséquent n’aura pas mérité l’estime de l’ennemi.

La conclusion précise que nous tirerons de ce chapitre, c’est qu’un officier chargé de la défense d’une forteresse, s’il ne songe qu’à mettre sa responsabilité à couvert, peut se borner à la stricte exécution de ce qui est prescrit par la circulaire de Louis XIV ; mais que s’il veut marcher sur les traces des Jeanne d’Arc, des Bayard, des Guises, des Chamilly, il ne se contentera point de paraître sur la brèche une fois pour la forme ; il en chassera vigoureusement l’ennemi autant de fois que celui-ci osera s’y présenter ; il emploiera tout ce que le courage et l’industrie réunis pourront lui suggérer pour ralentir et détruire les travaux de l’assiégeant. Il se hâtera de faire de solides retranchemens derrière les brèches, et plusieurs les uns derrière les autres ; il les défendra tous successivement avec la plus grande obstination, et enfin il ne proposera de capitulation que lorsqu’il n’en restera plus qu’un, c’est-à-dire lorsqu’il verra que cette capitulation, est devenue nécessaire au salut des habitans, et qu’il pourra dire, comme François Ier : Tout est perdu, hormis l’honneur.


CHAPITRE II.

Obligation de défendre les places fortes jusqu’à la dernière extrémité, confirmée l’importance de ces points militaires. Que les forteresses ne se placent point au hasard. — Qu’elles forment un grand ensemble, dont toutes tes parties sont liées entre elles, et avec le système général de la guerre. – Que cet ensemble peut être entièrement rompu, les plus grands projets déconcertés et la sûreté de l’État compromise, par la mauvaise défense d’une seule forteresse.

Tout militaire, chargé de la défense d’une place forte, connaît maintenant ses obligations : les premières lignes de cet ouvrage ont dû l’en instruire. Nous pourrions donc passer de suite aux moyens de les remplir, c’est-à-dire aux moyens que fournit l’industrie pour prolonger la défense aussi loin qu’elle peut aller. Mais il est satisfaisant pour un brave de savoir que son dévoûmens n’est point inutile à sa patrie, et qu’en exposant sa vie pour elle, il lui rend un service signalé. Nous allons donc faire voir que les points fortifiés, dont la défense obstinée est si rigoureusement prescrite, doivent être en effet défendus avec cette ténacité, pour la sûreté intérieure de l’État, et le succès, des plus grandes entreprises militaires.

Les forteresses ne sont point distri-