Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 5, 1844.djvu/524

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’ennemi s’approcher en peu de jours et presque sans difficulté, de la queue des tranchées jusqu’au bord du fossé, malgré toute l’artillerie des remparts, s’imagine, en voyant cette artillerie entièrement démontée et ses feux presque éteints, qu’il ne faut plus à l’assiégeant que quelques heures pour aborder le corps de place ; et, effrayé du danger que courent la garnison et la bourgeoisie, il n’ose tenir davantage, C’est-à-dire qu’il se rend lorsque la véritable défense ne fait, pour ainsi dire, que de commencer ; il n’est pas en état de rassurer les autres, puisque lui-même il n’a plus de confiance dans ses propres moyens. Il en serait tout autrement, si le chef connaissait les ressources que lui offre sa situation, sil avait su économiser ses munitions, s’il savait ordonner un bon retranchement, faire des sorties à propos, employer les contre-mines et les fougaces.

Remarquons bien que ce prétexte, fondé sur le danger auquel un assaut au corps de la place expose les habitans, n’a pas même lieu pour les citadelles, forts et châteaux, où’il n’y a point de bourgeoisie, et qui composent, à eux seuls, la plus grande partie des postes défensifs : la garnison y est comme dans une redoute, fermée et fortifiée avec le plus grand soin, parce qu’elle doit servir de point d’appui à un corps d’armée. Or, quel est le militaire qui pourrait entendre parler de capitulation dans un pareil poste ? C’est le poste d’honneur, c’est le passage des Thermopyies : et que dirait aujourd’hui l’histoire, de Léonidas et de ses trois cents Spartiates, s’ils eussent capitulé ?

« J’avais résolu (dit le chevalier de Ville dans son chapitre des Capitulations et Redditions des places) de ne point mettre ce chapitre, pour faire entendre aux gouverneurs qu’ils ne doivent jamais capituler, et que c’est celuy auquel ils doivent moins étudier ou savoir : toutefois, parce qu’il peut arriver qu’après une raisonnable résistance, le prince veut qu’on rendre la place pour plusieurs considérations qu’il peut avoir, et parce qu’à la fin le lieu et la terre manquent pour se retrancher, ou qu’on n’a plus de soldats pour se deffendre, ou des munitions pour tirer, où des vivres pour se nourrir, On est contraint de capituler.

» C’est une chose bien certaine, que jamais on ne refuse composition lorsqu’on la demande, en quel état qu’on soit, et que le gouverneur est bien plus estimé, et a plus d’honneur d’avoir mauvaise composition pour s’estre trop bien deffendu, que de se rendre trop tôt pour avoir quelque avantage : c’est en quoy plusieurs gouverneurs mal expérimentés ont failly et se sont rendus infames, eux et leur postérité, pour n’avoir pas soutenu autant qu’ils devoient ; de peur que l’ennemy ne leur feroit point party, s’ils se deffendoient jusques aux derniers travaux. Puisque nous avons vu plusieurs faire cette faute, je pourrois donner cet advis, que l’ennemy ; quelque force qu’il aye, ne peut prendre une place médiocrement fortifiée, mais bien deffendue ; qu’il n’y vienne pied à pied avec le temps, et que l’attaque a tous ses ordres et sa suite, comme nous avons cy-devant escrit. Il faut que lennemy se campe, fasse ses batteries et tranchées, force les dehors et contr’escarpes, rompe les deffences et flancs, passe le fossez, fasse jouer la mine ou fasse bresche avec le canon ; et après cela, qu’il se loge là-dedans, se rende maistre des retran-