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crèvent de tous costez, et les pierres volent partout. Les cercles, les pots à feu, les gabions bruslans, et tous les autres artifices couvrent toute la bresche de feu ; on ne sait où se mettre, le péril est partout ; les uns sont tuez des coups de mosquets, les autres estropiez des grenades, tous sont blessez par quelqu’un de ces tirs ; il n’en revient point de sauve. On veut recommencer l’effort, mais ceux de dedans n’interrompent point leur défense ; ils se rafraischissent les uns après les autres, et la résistance est aussi puissante à la fin qu’au commencement, tellement que les derniers n’ont pas meilleur traitement que les premiers. Avant que les nostres puissent commencer à travailler ils sont tuez ou blesser, et tant plus nous persévérons, tant plus la perte des nostres est grande ; les ennemis ne se rebutent pas, parce qu’ils sont à couvert et qu’ils reçoivent peu de mal et en font beaucoup ; et les nostres au contraire en reçoivent sans en faire, et sans pouvoir advancer le travail. Jamais attaque n’a esté plus opiniastre ny mieux soutenue.

» Il fut résolu de faire le lendemain deux fortes attaques par les deux pas- sages du fossé, et d’autres sur des ponts de bois et de joncs, pour aller aux autres lieux ruinez, à la cortine et aux flancs, aussi rompus et aussi aisez à monter que ceux où la mine avoit jouez. Tous se retirèrent pour faire un plus grand effort le lendemain.

» Au lever du soleil, environ une heure après que le sieur de la Fregelière fut tué, un tambour vint sur la bresche qui bat la chiamade. On cesse de tirer ; il se montre, et dit que ceux de la place demandoient à parlementer.

» Les articles qu’ils prétendoient furent portés au roy, qui en retrancha et ajouta ce qu’il jugea à propos ; enfin, après quelques demandes et quelques réponces, ils furent conclus sur le midy avec les conditions qui s’en suivent.

» Il leur fut accordé que toute la garnison sortiroit le lendemain 30 juin, à dix heures du matin, avec leurs armes, chevaux et bagages, tambour battant, enseigne déployée, balle en bouche et mesche allumée des deux bouts ;

» Qu’ils pourroient emmener deux pièces de canon, l’une de vingt et l’autre de vingt-quatre livres de balle, et un mortier avec quatre tonnes de mesches, etc., etc.

» Il sortit treize cents hommes à pied. sous les armes, et environ cinq cents sur les chariots, tant blessez, que malades, que paysans, et six-vingts chevau-légers. Il y avoit, outre cela, plus de quatre mille femmes et près de cinq cents chariots, sans ceux que nous leur avions fournis, chargez de meubles et de personnes. Le roy les voulut voir sortir, et parla au gouverneur, le loua de la deffence qu’il avoit faite, et lui témoigna qu’il faisoit estime de sa personne.

» Les murailles du costé de l’attaque estoient fort gastées, à cause des cinq bresches qu’il y avoit, à chaque face du bastion, une de seize toises d’ouverture d’assez facile montée, les orillons et flancs tous rompus et une autre bresche à la cortine. Dans le bastion qui estoit attaqué par Piedmont, ils avoient fait plusieurs retranchemens les uns après les autres. Du costé de l’attaque de Champagne, ils estoient meilleurs. Un fossé creusé dans le rempart tout au long de la cortine, palissadé comme les autres,