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Si l’on veut avoir l’exemple d’une défense qui ait rempli les conditions prescrites par la lettre de Louis XIV, quoique antérieure à son règne, il faut lire la relation du siège d’Hesdin, faite par le chevalier de Ville qui en avait dirigé lui-même, comme ingénieur, les opérations sous les ordres de M. de la Melleraye, grand-maître de l’artillerie. La ville d’Hesdin a soutenu plusieurs sièges celui dont il est ici question eut lieu sous Louis XIII, en 1637. Les Français attaquaient la ville, et les Espagnols la défendaient sous les ordres du comte de Hanapes, gouverneur. La relation du chevalier de Ville peut servir de modèle en ce genre ; comme elle renferme plusieurs réflexions utiles, et qu’elle donne une idée de la manière dont on procédait de part et d’autre dans la guerre des sièges à cette époque, j’en citerai plusieurs passages, en regrettant que les bornes de cet écrit ne me permettent pas de la rapporter tout entière.

« Le vendredy 20 may, l’armée s’approcha à demie lieue de Hesdin, où chacun prit son camp, et son champ de bataille. A mesme temps que ceux de la ville virent paroisse les nostres, ils mirent le feu à tous les deux faux bourgs avec si grande haste, qu’ils n’eurent pas loisir de porter rien de ce qu’ils y avoient laissé.

» Le dimanche 22, les tranchées commencèrent être ouvertes.

» Cependant le roy part de Sainct-Germain le 25 may, toute la cour l’accompagne chacun veut participer à l’honneur d’une si glorieuse entreprise. Toute la noblesse abandonne Paris, et on n’y voit plus personne qui ne soit honteux d’y porter une espée.

» L’éminentissime cardinal duc de Richelieu suit le roy le jour même. Dès-lors chacun s’assure de la prise de Hesdin on ne fait plus compte de ses fortifications, de la force de la garnison, et de la quantité des canons et munitions qu’on craignoit auparavant.

» Tant plus nous avancions le comblement du fossé, tant plus l’ouvrage estoit difficile parce que les ennemis outre les mousquetades, ils se servoient plus avantageusement de leurs artifices ; il ne leur falloit plus jetter si loing les grenades, les cercles, les pots à feu ils laissoient rouler au long de la bresche les bombes, et décendoient avec des chaisnes, des fagots et des gabions couverts de composition et les attestoient et faisoient brusler où il leur sembloit plus à propos.

» La réputation de ce siège estoit si grande que tous ceux qui habitoient les provinces voisines y venoient pour le voir, et plusieurs des pays fort éloignez. Monsieur le nonce du pape, et Monsieur l’évesque de Beauvois le vindrent voir le 20 de juin et encor que leur profession ne fust pas de s’approcher des lieux périlleux, néantmoins ils y voulurent aller, puisque le roy y avoit été. Leur curiosité fut autant louée, comme le reproche fut grand aux gentils-hommes du pays qui n’y vindrent pas.

» Ces jours icy, les ennemis commencèrent ne plus tirer tant du canon comme ils avoient accoutumé nous conjecturâmes de là qu’ils avoient fautes de boulets ou de poudre ils ménagèrent fort mal leurs munitions pour avoir trop tiré au commencement et sans nécessité ; ils en manquèrent à la fin, lorsqu’ils en avoient plus de besoin.

» Les deux mines (aux bastions attaqués par Champagne et Piémont