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jusqu’à Damvilliers, qui est une place qu’il tenait, et qui joint la frontière de Luxembourg, ayant laissé son infanterie à Bar-le-Duc, Ligny, Void, Commercy, qui tiennent tout un canton de pays, et à la faveur de ces places, il comptait y faire hiverner son armée, ou que si on en attaquait une, en se mettant à couvert d’une autre, il incommoderait fort les assiégeans, et cela à cause de l’hiver dans lequel on était ; mais comme M. de Turenne qui voyait bien, par les petites places qu’il prenait, quelle était son intention, marcha toujours droit à lui, laissant les places sans les attaquer, et ainsi en cinq ou six jours de temps, il l’obligea de se retirer dans le Luxembourg.

M. le maréchal de La Ferté arriva dans ce temps-là de Nancy à Saint-Mihiel. Cette marche rompit les mesures de M. le Prince, et lui fit perdre le dessein de pouvoir hiverner ni en Champagne ni sur les frontières de Lorraine, parce qu’ayant séparé sa cavalerie de son infanterie par tous les corps qu’il avait laissés dans les places, il ne put les rejoindre. Une partie de cette infanterie fut prise, pendant l’hiver, à discrétion ; car on reprit Bar, Ligny. On n’assiégea pas Sainte-Menehould, à cause de la gelée la même raison empêcha de faire le siège de Rethel. On prit Château-Porcien et Vervins ; après quoi les troupes allèrent en quartiers d’hiver. »

M. de Turenne a donc exécuté ce qu’il avait promis au roi en partant de Paris, d’empêcher, à ce qu’il espérait, les ennemis de prendre des quartiers d’hiver en France. Il ne nous dit pas sur quoi était fondée la proposition qu’il avait avancée ; mais le voici c’est que, quand les ennemis partirent d’auprès de Laon pour aller assiéger Rethel, on était déjà fort avancé dans le mois d’octobre, et que M. de Turenne était bien assuré, en raison de la connaissance qu’il avait des habitudes des troupes espagnoles, que, quand l’hiver commencerait, l’armée d’Espagne sûrement retournerait hiverner dans les Pays-Bas, et que pour lors son armée étant supérieure à celle de M. le Prince, qui restait seul sur le haut de la Meuse et de la rivière d’Aisne, il n’entrerait pas en quartiers d’hiver devant lui, qui aurait son armée rassemblée ; qu’ainsi il l’obligerait toujours de reculer. Voila sur quoi M. de Turenne dit qu’il espérait empêcher les ennemis de prendre des quartiers d’hiver en France.

Par tout ce que je viens de rapporter, on voit bien que, sans être obligé à donner des combats ni des batailles, et de jeter souvent les affaires au hasard, non plus que de s’exposer à perdre du monde inutilement, M. de Turenne a su, de sa seule tête, tirer toutes les opérations qui tendaient à son objet, et que sa petite armée, sans la commettre, n’a fait que les appuyer fortement.


Comment se forment les armées. — Leurs divisions en différentes parties. — Définition de ces parties. — Des ordres de bataille.

Personne ne peut ignorer que les armées sont composées de cavalerie et d’infanterie, et que ces deux différons corps se donnent une protection mutuelle, suivant le lieu où l’un a plus d’avantage que l’autre ; on sait également la subdivision de chacun de ces deux corps en différentes parties, qui sont sujettes à varier dans leurs forces, suivant les réformes ou augmentations de troupes ; ce qui n’empêche pas qu’un bataillon soit toujours un bataillon,