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rait-on de lieutenans généraux et de maréchaux de camp qui n’ont jamais été commandés pour marquer aucun camp, ni pour reconnaître des champs de bataille ? Quant aux marches, ils ne s’en mêlent point.

Après ce que je viens d’exposer, il est aisé de conclure que, des quatre sortes de guerre dont il est ici question, celle de frontière à frontière avec de grandes armées, telles qu’elles ont été avant la paix d’Utrecht et de Bade en 1714, est la plus difficile, et par conséquent la plus savante. Tel en effet s’e comportera bien avec une armée de vingt à trente mille hommes, qui se trouvera bien embarrassé avec une grande armée, comme je l’ai vu arriver à plusieurs ; mais celui qui sera accoutumé à faire mouvoir, agir et subsister de grandes armées, suivant les rêgles et les principes qui leur conviennent établissant en conformité le service de campagne sans s’arrêter à des usages, celui-là conduira avec une grande facilité des armées de vingt-cinq a trente mille hommes.


Moyens de ménager les eaux pour les besoins d’une armée.

je ne comprends pas comment Hérodote prétend nous faire un calcul si juste du nombre d’hommes dont était composée l’armée des Perses, vu la façon singulière dont il nous rapporte que la revue en fut faite dans la plaine de Dorisque, ni comment il peut dire ensuite que les fleuves entiers ne suffisaient pas pour désaltérer cette grande quantité d’hommes et de chevaux. Je dirai, à cette occasion, que te ruisseau des Gobelins n’est rien moins qu’un fleuve, et que, quoique les chevaux consomment bien plus d’eau que les hommes, si l’on campait à droite et à gauche de ce ruisseau cent cinquante mille chevaux de chaque côté en remontant vers le pont d’Antony, il y aurait assez d’eau pour les faire boire, et qu’il aurait toujours son cours sans se tarir ; mais que pour que les hommes et les chevaux puissent en boire, il faut empêcher que les chevaux n’entrent dans une pareille petite rivière, et que les hommes n’y puisent de l’eau avec des marmites ou autres vases sales, mais seulement avec des seaux ou des gamelles, et faire défense qu’on y blanchisse du linge ; car lorsque les cavaliers ou les valets y font entrer les chevaux pour boire ou pour les laver, la vase qui se détrempe du fond et la fiente des chevaux infectent l’eau, de sorte que ni hommes ni chevaux ne peuvent plus en boire, surtout vers le bas de la rivière, où d’ordinaire elle est bourbeuse. Voilà ce qu’Hérodote n’entend pas. Au reste, pour éviter cet inconvénient, il faut obliger les cavaliers à faire boire les chevaux sur le bord avec la gamelle ou les seaux, à l’effet de quoi on doit mettre des gardes tout le long pour empêcher qu’on ne gâte l’eau.

J’ai souvent campé des armées de cent trente mille hommes, où il y avait plus de cent mille chevaux, soit de cavalerie ou de bagages, sans qu’il y eût de rivière à portée de l’armée, mais seulement des étangs, des mares, des fontaines, des puits ; alors on faisait, avant que l’armée arrivât, mettre partout des gardes, pour empêcher tes soldats de lever la bonde des étangs, à dessein d’en faire sortir t’eau et de prendre le poisson, et afin d’obliger tout le monde à la puiser dans des vases propres, et de ne laisser entrer aucun cheval dans les mares ni dans les étangs. S’il y avait quelque petit ruis-