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dix de hauteur, mit les meilleures troupes sur les flancs et au centre ; entre elles il plaça celles de nouvelles levées, et mit à sa droite six cents chevaux, qui appuyaient à des marais impraticables qui bordent la rivière Ænipée, et tout le reste de la cavalerie à l’aile gauche avec ses troupes auxiliaires, dans le dessein d’envelopper l’ennemi.

César, voyant cette disposition, rangea de même ses légions sur trois alignes, couvrit sa gauche du marais pour n’être point enveloppé de ce côté-là, et mit toute sa cavalerie à l’aile droite, entremette de quelque infanterie légère qui était accoutumée de combattre au milieu des chevaux ; et pour soutenir cette aile en cas d’accident, il plaça six cohortes en réserve, pour s’en servir dans l’occasion, et six sur son flanc droit, qu’il rangea obliquement pour recevoir l’attaque de la cavalerie ennemie,

» Rien ne contribua tant à la victoire que César remporta ; car après le premier choc de la cavalerie de Pompée, ces cohortes la chargèrent inopinément en flanc, et la mirent en déroute. »


Usage que fait César de la ligne oblique à la bataille de Pharsale. — Instructions qu’il avait données à ses officiers généraux et aux troupes avant le combat.

César, à Pharsale, étant de moitié plus faible que Pompée, et ayant son flanc droit à découvert, persuadé qu’il ne manquerait pas d’y être attaqué, se sert de la ligne oblique pour le couvrir. Par ce moyen. il fait, à la vérité, front de plusieurs côtés, et son ordre de bataille a toute la force qu’il peut lui donner ; mais il peut toujours être entouré par le double de troupes ; et quelque science qu’il pût avoir pour s’en garantir, s’il n’avait pas fait part de ses connaissances ses officiers généraux et particuliers, et si ses soldats n’eussent pas été formés sur ses principes par un grand exercice, ni les uns ni les autres n’auraient jamais su exécuter ses ordres dans l’action, et jamais par conséquent César n’eût battu Pompée à Pharsale.

Les capitaines grecs et romains, qui, par leur conduite et leurs grandes actions, ont justement mérité le nom de grands, tels qu’Alexandre, César, Scipion et Annibal, etc., ont toujours communiqué leur science à leurs officiers, et exercé eux-mêmes leurs troupes dans tout ce qu’ils pouvaient exiger d’elles pour toutes tes différentes manières de combattre que les lieux pouvaient requérir ; ce qui n’est pas parmi nous. Les Grecs avaient des écoles publiques, où tous les ordres de bataille s’enseignaient par règles avant que d’en faire l’application sur le terrain, de même que l’on enseigne aujourd’hui les fortifications, l’attaque et la défense des places ; et c’est en effet le seul moyen de faire de grands hommes, et de faire passer la science de toutes les parties de la guerre aux siècles à venir, comme y passera celle que je viens de citer. Les principes mêmes que je donne ici, et que d’autres pourront amplifier, ne seront pas difficiles quand on aura bien travaillé cette matière.

La ligne oblique de César n’est pas formée de la façon, ni dans l’esprit que Végèce nous l’enseigne. Cet auteur la propose dans la figure d’un compas ouvert, qui forme un angle à une de ses extrémités, afin de commencer par là l’attaque, en y mettant plus de force que n’y en a placé l’ennemi, pour avoir la facilité de l’enfoncer et de le pren-