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ne pouvait même approcher de son étendue qu’en mettant seulement sur cinq rangs les cohortes, et donnant entre elles plus de distance. À l’égard de sa cavalerie, n’ayant que mille chevaux contre sept mille, toute cette différence faisait pour César un grand désavantage. Quant au terrain, la situation était égale de part et d’autre.

César, malgré la grande supériorité de Pompée, cherche néanmoins à le combattre, même dans un terrain égal. Après avoir campé auprès de lui quelque temps, n’espérant plus de pouvoir l’y engager, dans le moment même que César décampait, il s’aperçut que Pompée, contre son ordinaire, s’éloignait de ses retranchemens, et pouvait être attaqué sans en être protégé-Pour lors César s’écria aux soldats qu’il fallait demeurer, et qu’on ne trouverait jamais une meilleure occasion de combattre.

Une telle résolution ne peut provenir que d’un grand fonds de science, et d’une connaissance parfaite de la force des ordres de bataille ; connaissance qu’il avait communiquée à ses généraux inférieurs, et à proportion aux officiers de ses légions, aussi bien qu’à ses troupes exercées sur ses principes, en sorte qu’il était sûr, à l’aide du moindre signal, de l’exécution de tout ce qu’il ordonnait dans l’action. Cependant ceux contre qui il hasarde de combattre avec si peu de forces sont des Romains comme lui, mais non instruits avec autant de science, ni exercés comme ses troupes.

Il est marqué que comme il n’avait que mille chevaux, au lieu que Pompée en avait sept mille, il méfait parmi sa cavalerie les hommes les plus lestes de son infanterie, selon sa coutume, et les avait si bien dressés, qu’ils avaient la hardiesse d’attendre en rase campagné la cavalerie ennemie, et à certaine occasion l’avaient mise en fuite[1].

Le flanc de la droite de Pompée était appuyé à un ruisseau ; c’est pourquoi il avait mis à sa gauche toute sa cavalerie avec les frondeurs et les archers.

César avait son flanc gauche appuyé au même ruisseau, et sa cavalerie à sa droite ; mais comme il craignait d’être enveloppé de ce côté-là par la multitude de la cavalerie de Pompée, il tira de sa troisième ligne une cohorte de chaque légion pour lui opposer, et. après leur avoir communiqué son dessein, les avertit que la victoire dépendait de leur valeur. Il commanda à toute l’armée, et particulièrement la troisième ligne, de ne pas se mouvoir sans son ordre, parce qu’il ferait signe avec un étendard de donner lorsqu’il en serait temps. Il n’y avait entre les deux armées qu’autant d’espace qu’il en fallait pour choquer[2].

La description que d’Ablancourt fait de cette bataille ne me satisfait pas comme ce que j’en ai lu dans César, et je trouve bien plus de force dans l’expression latine, où tous les mots portent. Il y a même quelque chose qui

  1. Si ce que dit César est exact, il est encore vrai qu’avec les mêmes soins on pourra dresser également de l’infanterie. La cavalerie d’à présent n’est pas plus avantageusement armée qu’elle ne l’était de son temps, et l’infanterie a de plus l’arme à feu, qui au moins ne lui nuit pas.
  2. Nous pouvons juger de cet espace et de la profondeur des trois lignes l’une derrière l’autre, par ce que César, dans sa guerre d’Espagne contre Afranius, nous marque, quand il dit qu’il n’y avait pas plus de quatre cents pas de distance entre les deux camps, de laquelle les deux armées occupaient environ les deux tiers étant en bataille l’une devant l’autre, et que le reste servait d’espace pour le choc. D’Ablancourt évalue à deux mille pieds la distance qui était entre les deux camps, ce qui revient à cent onze toises d’espace entre les deux armées.