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Turenne y avait, ne peuvent pas être nommés seconde ligne ; voilà l’état de notre armée. Le combat ne finit qu’avec la nuit, durant laquelle l’ennemi se retira, n’en ayant pas plus de raison que nous. Cependant le champ de bataille nous restant, notre armée eut toutes les marques honorables de la victoire.


Différentes occasions où il arrive que les ailes des deux armées en viennent aux mains avant le centre.

Il y a beaucoup d’exemples de batailles où l’on voit les ailes se charger avant que l’infanterie puisse combattre ; c’est une des façons de combattre dont parle Végèce. Cela se fait quelquefois à dessein et avec art, ainsi qu’il est proposé dans le conseil ci-dessus : d’autres fois sans y penser et par hasard. Voici comment cela arrive

Quand des armées, dans des plaines unies, marchent l’une contre l’autre, la cavalerie va toujours plus vite que l’infanterie, ce qui arrive faute d’être exercée dans ces mouvemens et faute d’instruction, en sorte que les ailes se chargent avant que l’infanterie puisse être à portée de le faire.

Dans les guerres qui ont précédé la paix d’Utrecht, en 1713, il s’est donné des batailles où les deux ailes se sont choquées avant que l’infanterie pût faire de même. À une, les ailes d’une armée ayant renversé les ailes qui leur faisaient tête, les poursuivirent si longtemps, que l’infanterie des deux armées, après être restée quelque temps en présence sans se charger, à la fin celle dont les ailes avaient été battues, <eut le temps de se retirer, avant que les ailes victorieuses fussent revenues sur le champ de bataille, et sans que l’infanterie dont les ailes étaient victorieuses, s’y opposât.

À une autre bataille[1], les ailes s’étant emportées de même, l’infanterie, dont les ailes avaient été en déroute, battit celle dont les ailes étaient victorieuses, et la suivit une demi lieue, n’osant rompre son ordre pour la mettre en déroute, crainte que la cavalerie ennemie, revenant de la poursuite, ne l’attaquât ; mais cette cavalerie ne vint rejoindre son infanterie battue qu’à la fin de la nuit.

Il arrive encore que des troupes qui ont battu croient avoir rempli leur devoir, et sans aller courir de nouveaux dangers, laissent les autres se tirer d’affaire comme ils pourront, de sorte que ces troupes n’entrent pas dans l’affaire générale.


Extrait de la bataille de Pharsale.

À Pharsale, l’armée de Pompée était de cinquante mille hommes de pied, divisés en cent dix cohortes de cinq cents hommes chacune sur dix rangs, ce qui revient aujourd’hui à cent dix bataillons sur dix rangs. Ces cohortes étaient en bataille sur trois lignes tant pleines que vides. On suppose que les deux premières fussent de trente-sept cohortes chacune, et la troisième de trente-six. De plus, Pompée avait sept mille chevaux.

César n’avait que vingt-deux mille hommes de pied en quatre-vingts cohortes, dont chacune revient à deux cent soixante-quinze hommes, et les mettant en bataille sur trois lignes, ce sont vingt-sept cohortes aux deux premières, et vingt-six à la dernière. Par conséquent César avait à chaque ligne dix cohortes moins que Pompée, et suivant ce calcul, ne pouvait égaler par son infanterie le front de l’ennemi. Il

  1. Affaire d’Almenara en Espagne, en 1710.