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Quand l’ennemi approche, où doit être le poste du général ? Naturellement ce doit être au centre, comme le lieu où il sera le plus à portée de tout voir, et de se porter le plus promptement où le besoin le demandera. Si néanmoins il y avait quelque partie de la ligne dont les situations fussent désavantageuses, ce lieu demanderait sa présence, comme celui où les troupes pourraient avoir le plus de besoin d’être soutenues.

Que les deux armées s’ébranlent pour se charger ; que peut faire pour lors le général ? Courra-t-il le long de la ligne ? À quoi bon ? Restera-t-il en place ? Pour lors il n’a d’autre avantage sur les officiers généraux inférieurs, que celui de commander par préférence les troupes qui sont sous sa main. Durant ce temps on lui vient annoncer qu’une telle partie de l’armée a battu celle de l’ennemi qu’elle avait en tête, et que l’infanterie qui joint a plié. Je demande quelle part ce général peut avoir alors au gain ou à la perte d’une bataille. Néanmoins, quand on veut marquer la supériorité d’un général sur un autre, on dit : Il l’a battu en bataille rangée, quoiqu’à la vérité ce soit celles-là mêmes où communément ils ont le moins de part. Ce sont bien eux qui choisissent le poste, et qui ordonnent la disposition ; mais l’exécution de cet ordre et l’action sont totalement l’affaire des troupes, non-seulement dans des armées aussi étendues, mais même bien inférieures ; car les batailles rangées supposent toujours une plaine. Aussi les généraux, qui n’ont pas grande ressource dans leur savoir, préfèrent-ils toujours ces sortes de batailles, et donnent tout au hasard.

Bien au contraire, ceux qui sont savans dans la guerre cherchent par préférence les actions où ils soutiennent les troupes par leur savoir, ce qu’ils ne peuvent faire que quand elles ont peu d’étendue.


Ce que doit faire une partie d’armée qui a battu et mis en déroute celle qui lui était opposée.

Quand des troupes ont combattu ce qui leur faisait tête, elles ne pensent absolument qu’à le poursuivre, tandis que celles qui sont à leur droite ou à leur gauche ont peut être été renversées. C’est à quoi surtout la cavalerie est sujette ; car il arrive souvent qu’une aile, après avoir battu celle qui lui était opposée, et l’avoir mise en déroute, aille tout entière à sa poursuite. Durant ce temps l’infanterie et l’autre aile combattent, et ces armées se trouvant également dépourvues chacune d’une aile, l’armée dont l’aile a battu celle de l’ennemi n’en retire aucun avantage, et perd même quelquefois la bataille, comme il s’est vu.

Cette faute est aussi ancienne que la guerre ; il est si naturel à des hommes qui combattent de la main pour s’ôter la vie, de ne songer qu’à ce qui se passe où ils sont, et non à ce qui se fait ailleurs, que quand ils ont tant fait que de renverser ceux contre lesquels ils combattaient, il n’est pas surprenant qu’ils cherchent à profiter de l’avantage qu’ils ont pris sur eux au péril de leur vie et il n’y a que l’art et la science de la guerre qui puissent mettre. de justes bornes à cette poursuite ; car de ne pas poursuivre l’ennemi, assez pour qu’il ne puisse plus se rallier et revenir sur vous, il y aurait du danger de pousser ainsi inutilement trop loin des troupes qui sont en déroute, je viens de faire voir le mal qui en résulte. Pareille chose est arrivée dans