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ceux qui sont à leur droite et à leur gauche, en se remuant et en se tournant, ils s’accrochent toujours. Un homme seul même ne peut aller un peu vite, qu’il ne porte la main à la poignée de son épée, de peur qu’elle ne passe dans ses jambes et ne le fasse tomber à plus forte raison dans les combats, surtout dans des bois, haies ou retranchemens, les soldats, pour tirer, étant obligés de tenir leur fusil des deux mains.

Au reste, le fusil étant en même temps arme à feu et hallebarde, pourquoi les sergens n’en portent-ils pas ? Pourquoi n’en pas armer les officiers[1] ? Vous privez par là chaque compagnie de cinq armes à feu, qui seraient portées par ce qu’il y a de meilleur, et qui ne leur serviraient pas moins d’espontons.

Par les raisons ci-dessus, et celles que je dirai ci-après, il convient que tous les soldats, sergens et officiers, au lieu d’épée, portent des couteaux de chasse, dont la lame aura vingt-un pouces de long, et sera large et taillante des deux côtés jusqu’à moitié de sa longueur, la poignée d’environ cinq pouces de long, forte, légère et d’un bon bois.

On pourrait même en accommoder la poignée de manière à en mettre le bout dans le canon du fusil, ainsi que les grenadiers avaient leurs baïonnettes avant l’usage de celles qui sont à douille. Je dirai qu’avant la paix de Nimègue, j’ai vu un régiment qui portait des épées qui n’avaient que la poignée, et au lieu de garde, il y avait un anneau de cuivre et un autre auprès du pommeau, dans lesquels on passait le bout du canon du fusil, ce qui tenait ferme, et faisait le même effet que font aujourd’hui nos baïonnettes à douille.

Les couteaux de chasse seraient beaucoup plus utiles dans les combats que l’épée ; de quelque manière que l’on accommode la poignée du couteau de chasse, cette arme sera plus utile à porter que l’épée. Cela est si vrai, que dans tous les détachemens que l’on fait à l’armée pour aller à la guerre et pour faire des attaques, soit grenadiers ou autres soldats, ils ne portent point leurs épées, et ils sont persuadés qu’elle ne leur est d’aucune utilité, et qu’elle les empêche de se mouvoir dans les actions. Ainsi ma proposition est également appuyée par les raisons et par l’expérience.

On peut donc conclure de là que les soldats et sergens ne doivent plus porter d’épée à l’avenir, mais à la place, des couteaux de chasse accommodés suivant qu’on les aura reconnus leur être plus utile, et qu’au moins les officiers, du moment qu’ils seront commandés, soit pour aller en détachement ou monter la garde, ou quand le bataillon prendra les armes, soit pour revue, exercice ou action, quitteront leurs épées alors, et prendront le couteau de chasse avec le fusil, de même qu’ils font aujourd’hui l’esponton et le hausse col.

Il n’y a aucune bonne raison d’armer les officiers différemment des soldats, quand on prouve que l’armement du fusil avec la baïonnette à douille est l’arme la meilleure et la plus utile pour toutes sortes d’actions.

Il faut prévenir toutes les objections que l’on pourrait faire à ma proposition par exemple, si l’officier, me dira-t-on, est occupé à tirer, il n’aura

  1. En 1770, les officiers, dans les gardes suisses, portaient un fusil léger. On finira par reconnaître qu’aujourd’hui nos officiers de compagnies ne sont armés ni pour l’offensive ni pour la défensive : l’épée n’est qu’une arme de parade.