Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 4, 1846.djvu/1063

Cette page n’a pas encore été corrigée

manœuvre avant que le combat. commence ; car comme vous ne pouvez être qu’à un point de votre ligne, ceux qui auront battu avant que de recevoir votre ordre seront déjà bien loin. Instruisez-les donc de tout ceci dès que vous lés aurez joints ; ce sont là les véritables fonctions d’un officier général, et non pas ce que font plusieurs, qui vont se mettre à la tête du premier escadron où bataillon du premier régiment qui est à leurs ordres, et combattent de la main, comme peut faire un capitaine de cavalerie ou d’infanterie, ou même un cornette ou un sous-lieutenant, sans se livrer aux fonctions qui les regardent, et qui sont si nécessaires au gain d’une bataille. Ne vous servir, pour aides de camp, que d’officiers entendus, et qui. sachent bien rendre vos ordres ; que ce soit des personnes connues. Donnez même vos ordres par écrit quand vous en aurez le temps, et les donnez le plus clairement que vous pourrez, afin que ceux qui les recevront les comprennent facilement.


Remarques sur Polybe[1].

Ce livre est excellent pour former un homme de guerre et un homme d’État. L’auteur se plaît à instruire et à faire connaître la conduite que l’on doit tenir dans la guerre et dans la politique. Combien n’y a-t-il pas à profiter ; en lisant avec attention la plus grande partie de ce qu’il renferme !

Il paraît, par ce qu’il rapporte des Carthaginois dans le commencement de leur première guerre avec les Romains, que ceux-là étaient peu instruits. « En ce temps-là, dit-il dans son livre I, revint à Carthage un de ceux qu’on avait envoyés en Grèce pour en emmener des gens de guerre, et en effet il en emmena un grand nombre. Il y avait entre eux un certain Lacédémonien, appelé Xantippe, qui avait été nourri dans la discipline de Sparte, et qui ne manquait pas d’expérience dans le métier de la guerre. Ce personnage ayant appris la dernière défaite des Carthaginois par l’armée romaine, commandée par Attilius Régulus, et comment elle était arrivée, et ayant considéré leurs préparatifs et le nombre de leurs chevaux et de leurs éléphans, il dit même à ses amis que ce n’était point les Romains qui avaient vaincu les Carthaginois, mais qu’ils avaient été vaincus par l’ignorance de leurs capitaines… »

Enfin le peuple ayant été informé de ce discours, on lui donna le commandement, de l’armée : « Mais lorsqu’on eut fait sortir les troupes de la ville et qu’il les eut mises en bataille, et commencé à les faire marcher suivant les règles de la guerre, on trouva tant de différence entre l’expérience de ce capitaine et l’ignorance des autres, que chacun témoigna. sa joie, et demanda de donner bataille, s’imaginant qu’on ne pouvait mal réussir sous la conduite de Xantippe. » On voit dans la suite que la bataille se donna, que les Romains furent battus et Régulus fait prisonnier.

Ce rapport de Polybe, en même temps qu’il fait voir le peu de capacité des chefs des Carthaginois, n’est guère plus avantageux aux Romains, et effectivement pour lors ils n’étaient pas encore bien savans dans l’art de la guerre ; car quoique les Romains aient toujours été bien armés, bien disciplinés, et aient toujours combattu avec un grand courage, cependant il faut remarquer qu’ils n’avaient alors eu de guerre qu’avec des peuples moins dres-

  1. Traduction de du Ryer.