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néanmoins de sa seule imagination qu’il ait tiré tout ce qu’il dit, c’est ce que j’ai peine à croire la facilité même avec laquelle il parle guerre, comme en se jouant, fait penser qu’il en savait encore plus qu’il n’en développe dans son poëme. Le seul récit qu’il fait d’une action est une instruction de la manière dont il faut s’y conduire. En un mot, c’est de tous les auteurs celui auquel il faut s’en tenir pour les ordres de bataille ; et sans doute Homère savait par principes beaucoup de parties de l’art dont il s’agit. Je vois même que les plus habiles auteurs grecs et latins le citent en beaucoup d’occasions sur des faits de guerre. Bien des personnes, à qui j’en ai parlé, m’ont dit que quand il parle d’architecture, d’anatomie et d’autres sciences, il ne le fait pas avec moins de connaissance et d’habileté.


Remarques sur Hérodote.

Cyrus, ayant passé le fleuve Araxe avec son armée, donna bataille contre les Massagètes, qui étaient commandés par Thomiris, leur reine. J’ai appris, dit Hérodote, que l’on observa cet ordre :

« Premièrement les deux armées vêtant en présence, et assez proche l’une de l’autre, se tirèrent quantité de flèches, et lorsqu’elles en manquèrent, elles coururent l’une contre l’autre avec les lances. Ensuite elles se mêlèrent l’épée à la main. Elles combattirent longtemps, sans qu’on reculât ni de part ni d’autre ; mais après un combat, qui fut longtemps opiniâtre, les Massagètes demeurèrent victorieux. Non-seulement une grande partie des Perses fut taillée en pièces, mais Cyrus même y fut tué, après avoir régné vingt-neuf ans. Son fils Cambyse lui succéda, et fit la guerre aux Égyptiens. Après lui Darius fut élu roi, et eut pour successeur Xerxès. »

À mon avis, tous les rois d’Asie n’ont jamais eu aucune teinture de l’art militaire, et je n’en fais mention que poursuivre l’ordre des temps, parce que plusieurs personnes sont persuadées que Cyrus, qui a fait de grandes conquêtes, était savant dans cet art, et avait une armée et des officiers qui formaient de bons ordres de bataille.

Tant que Cyrus n’a eu affaire qu’aux autres rois d’Asie, il a été plus grand qu’eux, et les a subjugués ; mais dès qu’il a combattu contre une nation plus belliqueuse, il a succombé. Parle récit que fait ci dessus Hérodote de la bataille de Cyrus contre Thomiris, oh voit le peu d’art qu’il y avait, ou plutôt qu’il n’y en avait aucun dans sa disposition, qui n’est pas différente de celle des Massagètes. Cyrus peut avoir eu d’ailleurs de grandes qualités ; mais s’il avait fait la guerre avec art, il aurait eu des officiers et des soldats bien instruits, ce qui n’a pas été, car on s’en serait aperçu par les troupes et les généraux qu’il laissa à son fils Cambyse. Or il n’y arien de si pitoyable que toutes les guerres qu’Hérodote nous raconte de Cambyse, de Darius et de Xerxès ; au lieu qu’il est aisé de voir que depuis la mort d’Alexandre, et longtemps après, l’art de la guerre s’est soutenu parmi ceux qui lui ont succédé.

Il s’agit à présent de voir si, depuis Homère, les Grecs se sont maintenus dans l’art de la guerre. Il parait au moins qu’ils avaient conservé le même ordre de bataille, et qu’ils ont toujours été bien armés et bien disciplinés, en comparaison des autres nations. C’est ce qui se voit par le récit