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pas vos troupes à jeun, car l’affaire ne sera pas sitôt décidée ; c’est pourquoi ordonnez aux Grecs d’aller repaître. Le pain et le vin font la force du soldat. Il est impossible qu’un homme qui n’a pas mangé combatte toute une journée car si son courage ne l’abandonne pas, ses forces l’abandonnent, la soif et la faim l’épuisent ; au lieu que celui qui a pris de la nourriture combat tout le jour, et ses forces répondent à son courage, et s’il arrive qu’il tombe en défaillance, ce n’est qu’après le combat fini »

Quoique l’avis qu’Ulysse donne à Achille de faire repaître ses troupes avant de combattre, et les raisons qu’il en dit soient simples, et que rien ne soit plus naturel, l’importance et la solidité n’en peuvent être bien connues que de ceux qui se sont trouvés dans de longues actions, où le corps s’épuise bien plus que dans des travaux qui ne l’exposent pas à un continue danger. Cependant, en de telles occasions, nous n’y apportons pas toute l’attention que la chose mérite.

Livre XXIV… « Mercure introduit Priam dans le camp des Grecs… Il entre dans la tente magnifique que les Thessaliens avaient faite à Achille d’un bois de sapin ; ils l’avaient couverte de cannes, et autour marqué une enceinte avec des pieux qui entrelaçaient sa cour, que l’on fermait avec un levier. »

La maison que les Thessaliens avaient faite à Achille, suivant cette description, est la même chose que ce que nous pratiquons dans des camps où l’on fait passer l’hiver à des troupes. Elles construisent des baraques dont les murs sont de torchis, et qu’elles couvrent de paille ; mais dans les pays où il n’y a pas de paille longue, et dans les pays chauds, on les couvre de joncs, de roseaux, de genêt ou de planches ; dans ceux où il y a beaucoup de bois, on fait les côtés des baraques avec des palissades ou pieux que l’on bousille encore pour en fermer les jointures.

Outre les remarques rapportées ci-dessus, il y en a encore beaucoup d’autres à faire que je n’emploie point ici, qui servent toutes également à faire connaître le génie d’Homère pour la guerre. Il ne cherche point à appuyer ce qu’il avance sur l’autorité d’aucun auteur qui en ait parlé ou écrit avant lui, non plus que sur les exemples des capitaines de réputation ; cependant, au milieu de toutes ses fables, quand il parle sérieusement de la guerre, ce qu’il en dit est si bien démontré et si clair, qu’on ne peut pas penser autrement que lui, ni s’expliquer en moins de paroles.

Nous ne lisons cependant pas dans la vie d’Homère, mise à la tête de la traduction, qu’il ait été à la guerre ; on le voit bien voyager avec Mentes en différons pays ; il peut, dans ses voyages, avoir pris des connaissances, quoiqu’il soit certain qu’aucune autre nation n’en savait autant sur la guerre que les Grecs. Cependant, si dans cet art il y a des parties que l’on puisse démontrer, comme la force de l’ordre de bataille, parce que cette partie est pure géométrie, et qu’il ne faut pas avoir été à la guerre pour pouvoir en juger, il y en a d’autres aussi dont on ne peut pas parler aussi bien que le fait Homère, sans y avoir été, à moins qu’on ne dise qu’il n’a parlé qu’après d’autres auteurs ; mais de tous c’est celui que nous devons le moins soupçonner d’avoir eu recours aux lumières d’autrui, puisque dans l’histoire profane nous n’en voyons aucun avant lui qui traite de la guerre. Que ce soit