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peut apprendre toute la théorie de la guerre de campagne, depuis les plus petites parties jusqu’aux plus grandes, et cela en la même manière que le maréchal de Vauban, par la théorie renfermée dans les livres qu’il nous a laissés, et par la pratique qu’il a établie en conformité, nous apprend l’art de fortifier, d’attaquer et de défendre les places.

Cette théorie est ce que j’appelle l’art libéral de la guerre. C’est par cet art que tout se met en mouvement, que les armées, dont les opérations n’en sont que le mécanisme, agissent et combattent ; c’est par lui que l’on apprend à faire des projets de guerre, de même qu’à en bien juger ; c’est un art, en un mot, que tout homme peut apprendre sans sortir de chez soi.

Sans guerre, avec quelques troupes aussi bien qu’avec une armée, quand on saura la théorie dont il s’agit, on pourra, en quelque pays que ce soit, représenter autant de différens combats et de batailles que l’imagination peut s’en figurer, et en faire voir toutes les règles, en sorte que, lorsqu’il surviendra une guerre et qu’il s’agira de combattre, tes chefs se trouveront instruits et les troupes exercées à former de bons ordres de bataille, suivant les différentes situations des lieux ; et comme elles en connaîtront toute la force, cela leur donnera de la confiance à combattre avec art, au lieu que les chefs et les armées, qui attendent que l’on soit en guerre pour apprendre les mouvemens et les ordres de bataille qui peuvent convenir à la situation des lieux, sont toujours exposés à se faire battre faute de principes et de règles.

Après m’être mis à ce travail, en réfléchissant sur ce que je faisais, je me disais à moi-même : Mais serais-je le premier qui aurait eu une pareille idée ? car parmi toutes nos histoires et les autres livres qui traitent de la guerre, je n’en ai trouvé aucun qui paraisse le faire dans les vrais principes ; c’est ce qui m’a obligé à en discourir avec quelques personnes savantes. Je leur ai dit de quoi il était question, et leur ai demandé si elles ne connaissaient pas quelques auteurs qui eussent écrit sur cette matière. On m’a renvoyé aux Romains et aux Grecs, en remontant jusqu’à Homère. Quoique je n’eusse pas grande espérance de rien trouver dans Homère de remarquable à cet égard, cependant, pour ne rien négliger, j’ai commencé par lire la traduction de l’Iliade, ensuite j’ai lu celle d’Hérodote ; la Retraite des dix mille par Xénophon, sa Cyropédie, son Histoire grecque, son Recueil des Choses mémorables de Socrate ; puis Thucydide, de la Guerre du Péloponèse ; la suite de cette même Guerre par Xénophon ; les Guerres d’Alexandre par Arrien, Polybe ; les Commentaires de César et Végèce.

Cette lecture m’a donné des connaissances du passé que je n’avais pas, et m’a engagé à commencer par rapporter les observations que j’ai faites à cet égard, et qui m’ont fait connaître que je pensais aujourd’hui comme ont fait les Grecs, chez qui on enseignait par théorie fart de faire la guerre ; et quoique je fusse sûr de la théorie que je m’étais formée, et sur laquelle j’ai toujours réglé toutes mes opérations, néanmoins, pour guérir ta prévention du public, persuadé qu’il est que la guerre ne peut s’apprendre que par la pratique, j’ai été bien aise de me voir appuyé par des auteurs aussi respectables que ceux que je viens de citer.

Mais afin qu’on lise avec confiance les remarques que j’ai faites sur les auteurs grecs et latins, je voudrais dé-