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POLYBE, LIV. XXX.

remportée dans la Macédoine ; il fit modestement valoir le zèle et l’affection avec laquelle il avait servi dans la guerre contre Persée ; il pria qu’on envoyât des ambassadeurs pour réprimer l’insolence des Galates, et les réduire à leur premier état, et finit par prier qu’on lui donnât l’investiture d’Ænum et de Maronée.

Le sénat, s’imaginant qu’Attalus reviendrait en particulier l’entretenir des mêmes choses, promit d’avance qu’il dépêcherait des ambassadeurs, et fit au prince les présens accoutumés. Il lui promit encore de le mettre en possession des deux villes qu’il avait demandées ; mais quand on sut qu’il était parti de Rome, le sénat, piqué de voir qu’il n’avait rien fait de ce qu’on attendait de lui, et ne pouvant s’en venger d’une autre manière, révoqua la promesse qu’il lui avait faite, et, avant que le prince fût hors d’Italie, déclara Ænum et Maronée villes libres et indépendantes. On envoya cependant vers les Galates une ambassade, à la tête de laquelle était Publius Licinius. De quels ordres les ambassadeurs furent chargés, c’est ce qu’il n’est pas aisé de dire, quoiqu’il ne soit pas difficile de le conjecturer par les événemens qui arrivèrent ensuite.

On vit encore à Rome, dans ce temps-là même, deux députations de la part de la république rhodienne. Philocrate était chef de la première ; à la tête de la seconde étaient Philophron et Astymède. La réponse que le sénat, après la défaite de Persée, avait faite à Agésipolis, produisit ces deux ambassades, dont le but était de calmer les Romains, qui, selon cette réponse, paraissaient extrêmement irrités contre les Rhodiens. Astymède et Philophron, dans toutes les audiences qu’on leur donnait, soit publiques, soit particulières, ne voyaient que des sujets d’épouvante. L’indisposition où ils sentaient qu’étaient les Romains à l’égard de Rhodes les consternait. Mais ce fut bien pis lorsqu’un prêteur, du haut de la tribune aux harangues, excita le peuple à déclarer la guerre aux Rhodiens. Le péril dont ils virent leur patrie menacée les saisit de frayeur : ils se revêtirent d’habits lugubres ; ils n’implorèrent pas seulement la protection dé leurs amis, ils demandaient en supplians et avec larmes qu’on ne décrétât rien de trop rigoureux contre leur république. Cette grande alarme fut de peu de durée. Au bout de quelques jours, conduits dans l’assemblée du peuple par le tribun Antonius, qui auparavant avait fait descendre de la tribune le préteur qui soulevait le peuple contre les Rhodiens, ils y justifièrent l’un après l’autre leurs compatriotes. Leurs discours entrecoupés de sanglots touchèrent de compassion : ils gagnèrent du moins qu’on ne déclarerait pas la guerre à Rhodes. Mais le sénat leur fit de sanglans reproches sur différens chefs dont on les accusait. On leur donna clairement à entendre que sans la considération qu’on avait pour quelques amis de la république, et surtout pour eux, on savait fort bien de quelle manière on aurait pu la traiter.

Dans cette occasion, Astymède fit une apologie de sa patrie. Il était fort content de cette pièce, mais elle ne plut ni aux Grecs, qui pour lors étaient à Rome comme voyageurs, ni à ceux qui y demeuraient. Il la répandit ensuite dans le public, et le public n’y trouva ni sens commun ni équité. Cette apologie était fondée, moins sur des raisons tirées de la conduite de sa patrie, que sur les fautes où les autres Grecs étaient tombés. Comparant ensemble ce que les Grecs avaient fait seuls ou avaient aidé à faire pour les Romains, il atténuait, autant qu’il lui était possible, les services des autres