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POLYBE, LIV. XXIX.

ment ne put descendre à Rome, mais fut forcé, au cœur de l’hiver, de sortir à jour fixe de l’Italie. Qu’il y ait eu rapprochement entre Persée et Eumène, rapprochement qui motive la haine des Romains pour ce dernier, c’est ce que prouvera ce qui précède. Il nous reste à examiner de quelle nature il fut et jusqu’où il alla. (Angelo Mai, etc.)


Il est aisé de comprendre qu’Eumène n’aurait pas voulu voir Persée vainqueur et maître de tout. Outre leurs divisions domestiques et leurs griefs particuliers, cette homogénéité de puissance devait alimenter sans cesse entre eux la méfiance, la jalousie et la plus complète opposition. Il ne restait plus qu’à se tromper et à se tendre mutuellement des piéges ; ce qu’ils firent. Eumène, voyant Persée dans la détresse, et attaqué de tous côtés, décidé à tout accepter pour se débarrasser de la guerre, mais renvoyé d’année en année à d’autres généraux ; voyant les Romains très-gênés aussi par leur peu de succès dans cette guerre jusqu’au consulat de Paul-Émile et par l’instabilité des affaires de l’Étolie, Eumène, dis-je, entrevit qu’il était possible que les Romains consentissent à terminer la guerre, ou à faire une trève, et il se crut un médiateur, un conciliateur très-capable dans cette affaire. (Ibid.)


C’est d’après cette idée qu’il fit sonder Persée par le Cretois Cydas, la première année. Il demandait combien valait cette espérance. Cela peut être, selon moi, l’origine de leur accommodement. Entre deux hommes dont l’un était si rusé, l’autre si avare, le combat dut être risible. Eumène mettait en avant toutes les espérances possibles, et fournissait un appât abondant, voulant séduire Persée à force de promesses. Persée courait bien vers l’appât, mais il ne se contentait pas de promesses, au point de laisser aller quelque chose de ce qu’il tenait. (Ibid.)


Voici de quelle nature étaient ces conventions. Eumène demandait, pour se tenir en repos et ne pas aider les Romains pendant quatre ans ni sur terre ni sur mer, cinq cents talens, et pour finir la guerre, quinze cents. Il promettait de donner des ôtages et des garanties. Au sujet des ôtages, Persée demandait qui il enverrait, et quand et comment on les garderait chez les Cnossiens. Quant à l’argent, je veux dire aux cinq cents talens : « N’était-il pas honteux, disait-il, pour celui qui les donnerait, moins encore que pour celui qui les recevrait, de ne paraître se tenir en paix qu’à prix d’or ? » Pour les quinze cents talens, il devait les envoyer par ses gens à Polémocrate de Samos, chez lequel on les garderait en dépôt. Or, il était maître de Samos. Eumène, qui brûlait, comme les médecins charlatans, de tenir des arrhes plutôt que d’attendre un payement, se désista de ses desseins, désespérant de vaincre par ses ruses les subterfuges de Persée. De cette façon, après une belle et sainte lutte d’avarice, ils se séparèrent à avantage égal, comme deux vaillans athlètes. De tout cet argent, une partie fut dissipée de suite par les mains des amis de Persée. Cela nous prouve que l’avarice est un artisan de maux de toute espèce. (Ibid.)


J’ajouterai à cette pensée que l’avarice aveugle aussi les hommes. Qui ne comprend, en effet, la folie des deux rois ? d’Eumène qui espère, malgré la