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POLYBE, LIV. XXII.

taille en Asie, et qu’Antiochus y avait été entièrement défait. L’alarme aussitôt se répand partout. En même temps Damotèle arrive de Rome, et annonce qu’ils ont encore la guerre avec les Romains, et que Marcus Fulvius, consul, vient à eux avec une armée. Leur inquiétude s’augmente ; ils ne savent comment ils pourront détourner la tempête qui les menace. Ils prennent enfin la résolution de députer aux Rhodiens et aux Athéniens pour les prier d’envoyer à Rome des ambassadeurs qui, apaisant la colère des Romains, soulagent un peu les maux dont l’Étolie allait être accablée. Ils dépêchèrent aussi de leur part, et ils choisirent pour cela Alexandre, surnommé l’Isien, Phénéas, Charops, Alype d’Ambracie et Licope. (Ibid.)


Les Romains assiègent Ambracie. — Avarice d’un des trois ambassadeurs étoliens.


Le consul s’entretint avec les ambassadeurs qui l’étaient venus trouver de la part des Épirotes sur l’expédition dont il était chargé contre les Étoliens, et demanda leur avis. Comme alors les Ambraciens suivaient les lois des Étoliens, les ambassadeurs lui conseillèrent de faire le siége d’Ambracie. Ils alléguaient pour raison que, si les Étoliens voulaient accepter une bataille, la campagne d’Ambracie était très-propre à une action, et que s’ils craignaient de s’y engager, il lui serait aisé d’assiéger la ville ; que le pays lui fournirait abondamment tout ce qui lui serait nécessaire, tant pour la subsistance de ses troupes que pour les approches ; que l’Arachthus, qui coule le long des murailles de la ville, lui serait d’un grand secours, tant pour mettre son camp dans l’abondance de toutes choses, que pour couvrir ses ouvrages.

M. Fulvius, ayant trouvé que le parti qu’on lui conseillait de prendre était en effet le meilleur, leva le camp et conduisit par l’Épire son armée devant Ambracie. Quand il y fut arrivé, les Étoliens n’osant se présenter devant lui, il fit le tour de la ville, en reconnut toutes les fortifications, et en pressa vivement l’attaque.

Avant qu’il partît, les ambassadeurs étoliens qui avaient été envoyés à Rome, ayant été découverts dans la Céphallénie par Sibyrte, fils de Pétrée, furent conduits à Charandre. D’abord les Épirotes étaient d’avis de les transférer à Buchetus, et de les garder là avec soin. Mais, quelques jours après, ils leur proposèrent de se racheter, parce qu’alors ils étaient en guerre avec les Étoliens. Alexandre, un de ces ambassadeurs, était l’homme le plus opulent de la Grèce ; les deux autres étaient riches aussi, mais ils n’approchaient pas du premier. On leur demanda d’abord à chacun cinq talens. Les deux derniers, loin de rejeter cette proposition, l’acceptaient de tout leur cœur, regardant leur salut et leur liberté comme le bien le plus précieux qu’ils eussent au monde ; mais Alexandre dit qu’il ne voulait pas acheter si cher sa liberté, et que cinq talens étaient une somme exorbitante. Pendant les nuits, il ne fermait pas l’œil ; il les passait à gémir et à pleurer sur la perte dont il était menacé. Cependant les Épirotes faisaient des réflexions sur l’avenir ; ils craignirent que les Romains, avertis de la détention d’ambassadeurs qui leur étaient envoyés, ne leur écrivissent pour les prier ou plutôt pour leur ordonner de les relâcher. Cette crainte les rendit plus traitables, et ils se contentèrent de demander à chacun trois talens. Les deux moins riches consentent à les payer, et ayant donné caution