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et des fables au sujet de la route d’Annibal que depuis le moment où il s’approcha des rives du Rhône.

Il est remarquable que Carthage ne mit pas en mer un seul vaisseau pour cette grande expédition, tandis que Rome fournit des flottes nombreuses à ses consuls.

P. Corn. Scipion, allant d’Italie en Espagne, touche à Marseille pour prendre des instructions : il apprend avec étonnement qu’Annibal est déjà dans les Gaules. Aussitôt il débarque son armée aux embouchures du Rhône.

Annibal, qui sait que le consul et l’armée romaine arrivent sur le même fleuve que lui, envoie cinq cents cavaliers numides faire une reconnaissance ; ils sont battus par trois cents cavaliers légionnaires que soutenaient des Gaulois soudoyés par Marseille. Les Romains n’avaient encore livré aucun combat dans la Gaule-Transalpine.


Annibal saisit ou achète tous les bateaux des gens du pays (les Volkes-Tectosages) qui en possédaient un assez grand nombre, à cause du voisinage de la mer, de Marseille et des colonies de cette république ; car elle commençait à inspirer un peu d’industrie à ces sauvages. Avec les arbres des forêts qui couvraient les bords du Rhône, Annibal fait aussi construire des barques et des radeaux.

Pendant qu’il se préparait au passage, les Cavares, habitans de la rive gauche, s’assemblèrent dans l’intention de la disputer. Annibal jugeant qu’il ne serait pas possible de traverser à force ouverte, se détermine, vers l’approche de la troisième nuit, à détacher une partie de ses forces sous le commandement de Hannon, fils du roi Bomilcar. Il lui donne ordre de remonter le long du fleuve l’espace de deux cents stades ou de vingt-cinq milles, et de passer (vis-à-vis la Palud), à l’endroit où le Rhône est séparé en deux par une petite île. Annibal se tenait prêt a profiter du moment favorable ; les troupes de Hannon ayant fait connaître leur approche par une colonne de fumée, il donna des ordres pour l’embarquement. Les Cavares entonnaient une chanson guerrière et défiaient les Carthaginois, lorsque le détachement de Hannon les prit en queue et les mit en désordre par cette attaque imprévue.

Ces peuples du bord du Rhône avaient fourni quelquefois des secours aux Boïes et aux Insubres ; et s’ils ne s’étaient pas montrés tout-à-fait barbares, entièrement dénués de prévoyance et de politique, Annibal ne pouvait manquer de les mettre dans ses intérêts.

On traversa par plusieurs détachemens dont le plus considérable put être de dix mille hommes. Les chaloupes qui servirent à la cavalerie sont appelées lembi par Polybe. Il paraît que c’était des galères à un seul rang de rames, capables de naviguer sur mer. Les éléphans passèrent tous à-la-fois sur deux grands radeaux unis ensemble. L’inquiétude où étaient ces animaux en fit tomber quelques-uns dans le fleuve ; mais ils nagèrent avec facilité, et gagnèrent tous, sains et saufs, la rive opposée. Le Rhône compte, dans cet endroit, deux cent cinquante toises de largeur.

L’époque à laquelle Annibal arriva sur les bords du fleuve peut se fixer à l’équinoxe d’automne ; toutefois il remonta de suite la rive orientale du Rhône jusqu’à sa jonction avec l’Isère. Ce Général avait de fortes raisons pour accélérer sa marche. Il savait qu’une armée romaine débarquait à l’embouchure du Rhône, et le combat, livré