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POLYBE, LIV. XVIII.

thage, mais il ne permit pas qu’on mêlât ou ajoutât à ses propriétés aucune des richesses de l’Afrique. Tout homme qui voudra interroger quelque Romain que ce soit, aura la même déclaration sur cette gloire sans tache et sans soupçon. Mais nous parlerons de cela dans un moment plus opportun.

Flaminius étant convenu avec Philippe qu’à certain jour ils se joindraient à l’entrée du Tempé, il écrivit aussitôt aux alliés pour leur apprendre le jour et le lieu de la conférence, et quelques jours après, il partit pour s’y rendre.

Les alliés réunis et le conseil assemblé, il ordonna que chacun dît à quelles conditions il fallait faire la paix avec Philippe. Amynandre, roi des Athamaniens, dit son sentiment en peu de mots ; il se contenta de demander que l’on fît attention à ce qui le regardait ; qu’il était à craindre qu’après que les Romains seraient sortis de la Grèce, Philippe n’épuisât sur lui toute sa colère, et que les Macédoniens avaient d’autant plus de facilité à envahir son royaume, qu’il était faible et voisin de la Macédoine.

Alexandre, Étolien, prit ensuite la parole, et dit que l’on ne pouvait que louer Flaminius d’avoir convoqué les alliés et de prendre leurs avis sur la paix ; mais que s’il pensait qu’en faisant la paix avec Philippe, il procurerait ou la paix aux Romains, ou aux Grecs une liberté durable, il se méprenait étrangement, et que jamais il ne parviendrait ni à l’un ni à l’autre ; mais que s’il voulait ne pas laisser les projets de sa patrie imparfaits et tenir les promesses que lui-même avait faites aux Grecs, il n’y avait qu’une manière de finir la guerre avec les Macédoniens, qui était d’expulser Philippe de son royaume ; que la chose était maintenant très-aisée, pourvu qu’il profitât de l’occasion qui se présentait. Il appuya son avis de plusieurs autres raisons, et s’assit.

Flaminius parla ensuite, et apostrophant Alexandre : « Vous ne connaissez rien, lui dit-il, aux vues des Romains, ni à mes desseins, ni aux intérêts des Grecs. Ce n’est pas l’usage des Romains, quand ils ont fait la guerre à une puissance, de la détruire entièrement. Annibal et les Carthaginois sont une preuve convaincante de ce que j’avance. Quoique les Romains, après avoir été réduits par ce peuple aux dernières extrémités, se soient mis ensuite en état de se venger comme il leur plairait, on ne voit cependant pas qu’ils aient jamais exercé contre lui la moindre inhumanité. Mon dessein n’a jamais été non plus de faire à Philippe une guerre irréconciliable. J’ai été, au contraire, toujours disposé à lui accorder la paix dès qu’il se soumettrait aux conditions qui lui seraient imposées. D’où vient donc, Étoliens, que vous trouvant dans un conseil qui n’a été assemblé que pour mettre fin à la guerre, vous témoignez tant d’éloignement pour la paix ? Est-ce parce que nous sommes victorieux ? Mais ce motif ne serait pas raisonnable. Dans le combat, un homme de courage doit tomber sur l’ennemi avec force et avec vigueur, et s’il est vaincu, marquer dans sa défaite de la constance et de la grandeur d’âme ; mais le devoir du vainqueur est de faire paraître de la modération, de la douceur et de l’humanité. Enfin, pour en venir aux intérêts des Grecs, il est de grande importance pour eux que le royaume de Macédoine soit moins puissant qu’autrefois ; mais il leur importe également qu’il ne soit pas tout-à-fait détruit ; c’est pour eux une barrière contre les Thraces et les Galates, et

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