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POLYBE, LIV. XVIII.

quelquefois du moins ils y contribuent beaucoup. Or, dans toutes ces occasions, il est difficile d’employer la phalange, ou on l’emploierait inutilement, parce qu’elle ne peut alors combattre ni par cohortes ni d’homme à homme ; au lieu que l’ordonnance romaine, dans ces rencontres mêmes, ne souffre aucun embarras. Tout lieu, tout temps lui conviennent ; l’ennemi ne la surprend jamais, de quelque côté qu’il se présente. Le soldat romain est toujours prêt à combattre, soit avec l’armée entière, soit avec quelqu’une de ses parties, soit par compagnies, soit d’homme à homme. Avec un ordre de bataille dont toutes les parties agissent avec tant de facilité, doit-on être surpris que les Romains, pour l’ordinaire, viennent plus aisément à bout de leurs entreprises que ceux qui combattent dans un autre ordre ? Au reste, je me suis cru obligé de traiter au long cette matière, parce qu’aujourd’hui la plupart des Grecs s’imaginent que c’est une espèce de prodige que les Macédoniens aient été défaits, et que d’autres sont encore à savoir comment et pourquoi l’ordonnance romaine est supérieure à la phalange.

Pour reprendre la suite du combat, Philippe y ayant été vaincu malgré tous ses efforts, rallia le plus grand nombre qu’il put de ceux qui en avaient échappé, et prit la route de Tempé pour aller de là dans la Macédoine. Dès le premier gîte, attentif, jusque dans le plus grand revers, à ce que le devoir demandait de lui, il envoya un de ses gardes à Larisse avec ordre d’y brûler tous les papiers qui le regardaient : attention vraiment digne d’un roi ; car il savait que si les Romains eussent pu mettre la main sur ces papiers, ils y auraient trouvé mille prétextes de l’inquiéter, lui et ses amis. Il n’est pas le seul à qui il soit arrivé d’oublier dans la prospérité, qu’on est homme, et dans les plus grandes disgrâces de ne point être ébranlé et de ne perdre jamais de vue ses devoirs. Mais Philippe s’est fait remarquer plus que personne dans ces deux états, comme nous ferons voir dans la suite. Car, comme, après l’avoir représenté plein d’ardeur et de vivacité pour les belles actions au commencement de son règne, nous avons montré, quand, comment et pourquoi il s’était opéré un changement dans ces belles actions, nous ne manquerons pas non plus de raconter comment il s’est reconnu, et avec quelle prudence, profitant pour son instruction des malheurs qu’il s’était attirés, il s’est conduit dans toutes les affaires qui lui sont arrivées depuis. Pour Flaminius, ayant mis ordre aux prisonniers et au butin, il se retira à Larisse. (Dom Thuillier.)


II.


Les Romains et les Étoliens commencent à se brouiller ensemble après la bataille de Cynoscéphales. — Conférence entre Flaminius et tous les alliés pour délibérer si l’on ferait la paix avec Philippe. — Autre conférence entre les alliés et Philippe, où la paix fut conclue. — Indignation des Étoliens à ce sujet.


L’avidité avec laquelle les Étoliens se jetaient sur le butin était insupportable à Flaminius, qui d’ailleurs ne voulait pas que Philippe chassé du trône, les Étoliens commandassent aux Grecs. Il ne pouvait sans impatience les voir se louer sans cesse, s’attribuer tout l’honneur de la victoire et remplir toute la Grèce du bruit de leurs exploits. C’est pour cela que dans les entretiens qu’il avait avec eux il les traitait avec hauteur, ne leur communiquait rien des affaires publiques, et réglait tout par lui-même et par ses amis. Les Romains et les Étoliens étaient ainsi indisposés les uns contre les autres, lorsqu’à quel-