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Régulus et cinq cents des siens environ tombèrent entre les mains des Carthaginois. Les colonnes de la gauche apprirent la déroute de l’armée, lorsqu’elles revenaient victorieuses de la poursuite des étrangers ; elles se dirigèrent sur Aspis, et échappèrent seules à la bataille.

L’ordonnance adoptée par Régulus à Tunis, était contraire aux armes, à l’esprit de la légion, et ne pouvait être prise qu’accidentellement, comme le fit Scipion, qui changea bien vite son ordonnance à Zama, lorsqu’il fut débarrassé des éléphans pour lesquels il avait tracé une disposition semblable.

En attaquant dans cet ordre par colonnes, Régulus supposa que les premiers manipules, soutenus de près par les autres, devaient combattre avec plus d’assurance, et s’écouler ensuite à droite et à gauche pour leur faire place s’ils étaient pressés trop vigoureusement. Mais les armes du légionnaire ne permettant guère d’atteindre et de frapper l’ennemi que par les rangs de la tête, il se privait ainsi volontairement d’une grande partie de ses forces.

Il faut remarquer encore que si c’est de la proximité de la seconde ligne que la première tire sa confiance, il n’est pas nécessaire qu’elle y soit collée ; elle doit en approcher assez pour réparer promptement le désordre, et fermer les vides. Les plus grands capitaines de Rome, qui avaient été si souvent à même de juger la force de l’infanterie légionnaire, et n’ignoraient d’ailleurs aucune des formes que l’on pouvait lui faire prendre, n’ont jamais eu l’idée de la réunir en une masse d’hommes comprimés, ainsi qu’on le faisait dans l’ordonnance grecque, lorsque les rangs appuyaient les uns sur les autres.

Régulus ne pouvait augmenter le nombre de ses cavaliers ; mais il devait suppléer à sa faiblesse dans cette partie par des armés à la légère entrelacés avec ses escadrons, ou placés sur les ailes ; et même par des manipules de soldats pesamment armés, comme César eut tant de fois occasion de le faire dans le cours de ses campagnes où il combattit toujours contre un ennemi supérieur en cavalerie ; avantage qu’il contrebalança souvent avec bonheur.

Folard, qui n’a pas compris toutes les dispositions des deux armées à Tunis, et qui juge d’ailleurs assez mal cette bataille dans ses résultats, puisqu’il prétend qu’elle fût décidée par les éléphans et non par la supériorité de la cavalerie carthaginoise, Folard cite à propos de ce fait d’armes, une action moins connue, qui a quelque rapport avec l’autre, et dans laquelle ces animaux jouèrent effectivement le rôle le plus important. Il s’agit de la bataille livrée par Antiochus Soter contre les Galates, et dont Lucien nous a conservé le souvenir.

Cet écrivain leur donne, dans cette circonstance, vingt mille hommes de cavalerie, deux cent quarante chariots de guerre, dont quatre-vingts armés de faulx, avec une infanterie nécessairement très considérable, puisqu’il la range sur vingt-quatre de profondeur. Forces incroyables pour une nation qui ne venait, pour ainsi dire, que de passer la mer avec vingt mille hommes, comme nous le verrons plus bas, et dont dix mille seulement étaient armés, selon la remarque précise de Tite-Live.

Quoi qu’il en soit, les Galates firent une première ligne des Chalcaspistes[1], ainsi désignés d’un bouclier d’acier qu’ils portaient, à l’imitation des Argyraspides d’Alexandre. Le corps de bataille venait ensuite avec la cavalerie

  1. Voy. l’Atlas.