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POLYBE, LIV. XII.

une grande quantité (moindre cependant que dans l’ancienne Italie, chez les Étrusques et les Gaulois) ; de sorte qu’il n’est pas rare de voir une truie à elle seule nourrir un troupeau de mille porcs et même davantage. On les conduit hors des étables, les mâles séparés des femelles ou distingués selon leur âge. Mais plusieurs troupeaux se trouvant assemblés dans le même lieu, comme il n’est pas possible de les garder en particulier, et qu’ils se confondent ensemble ou dès leur sortie des étables, ou dans les pâturages, ou en revenant d’où ils sont partis, pour les distinguer sans peine, les porchers ont inventé le cornet, au son duquel ils se séparent d’eux-mêmes de quelque côté que se tournent ceux qui les conduisent, et les suivent avec tant de vitesse qu’il n’y a point de force ni de violence qui puisse les arrêter. En Grèce, lorsque les troupeaux cherchant leur pâture se sont mêlés les uns avec les autres, celui qui en a un plus nombreux, au premier moment favorable, en enveloppe celui de son voisin et l’emmène avec le sien, ou quelque voleur en embuscade le détourne et s’en saisit sans que le porcher s’en aperçoive, parce qu’il en est fort éloigné, et que son bétail s’écarte trop par l’ardeur de manger le gland, quand il commence à tomber des chênes. Mais c’en est assez sur ce sujet. (Dom Thuillier.)


II.


Particularités sur les Locriens.


J’ai fait plusieurs voyages chez les Locriens, et je leur ai même rendu des services considérables. C’est par mon aide qu’ils obtinrent d’être exemptés de marcher en Espagne avec les Romains. Pendant la guerre de Dalmatie, par un traité fait avec les Romains, ils devaient leur envoyer des secours par mer, j’obtins encore qu’ils fussent dispensés d’en envoyer. Aussi m’ont-ils su beaucoup de gré de leur avoir épargné les peines, les dangers et les dépenses que ces deux expéditions leur auraient coûté, et il n’y a point d’honneurs et d’amitiés qu’ils ne m’aient faits pour m’en témoigner leur reconnaissance. Je devrais donc être beaucoup plus porté à parler honorablement de ce peuple qu’à en dire des choses désavantageuses. Mais malgré tout cela je ne puis dissimuler que ce que dit Aristote de cette colonie me paraît plus véritable que ce que Timée en raconte. Les Locriens eux-mêmes reconnaissent que ce qu’ils en ont appris de leurs ancêtres est conforme à ce qu’Aristote, et non pas à ce que Timée en rapporte.

Ils le prouvent premièrement, parce que tout ce qu’il y a chez eux de noble et d’illustre par la naissance, vient des femmes et non pas des hommes. Par exemple, on passe chez eux pour noble, lorsqu’on tire son origine des cent familles. Or le titre de noblesse avait été accordé à ces cent familles par les Locriens avant qu’ils vinssent s’établir en Italie, et ce sont celles dont un oracle avait ordonné de tirer au sort les cent filles que l’on devait envoyer tous les ans à Troie. Quelques-unes de ces filles se trouvèrent dans la colonie, et ceux qui en descendent sont encore regardés comme nobles, et on les appelle les enfans des cent familles.

Autre preuve : il y a chez eux une fille à qui le ministère auquel elle est employée fait donner le nom de Phialéphore. La raison qu’ils donnent de cette coutume, la voici : Dans le temps qu’ils chassèrent les Siciliens de l’en-