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POLYBE, LIV. XII.

ce fruit du vinaigre. (Athenæi Deipnos., lib. xiv, c. 18.) Schweigh.


Réfutation de ce que dit Timée sur l’Afrique et sur l’île de Corse.


L’Afrique est un pays dont on ne peut trop admirer la fertilité. Mais Timée a parlé de cette partie du monde en homme qui n’en avait aucune connaissance, sans lumières, sans jugement, et uniquement sur la foi d’anciennes traditions qui ne méritent aucune croyance : comme, par exemple, que ce pays est composé entièrement de terres sablonneuses et sèches, qui ne produisent aucun fruit. Ce que l’on en dit par rapport aux animaux, est tout aussi mal fondé. Il y a dans l’Afrique des chevaux, des bœufs, des moutons, des chèvres en si grande quantité, que je ne sais si l’on en pourrait trouver autant dans tout le reste de l’univers. Et c’est pour cela que, comme la plupart des peuples de ce grand pays ignorent complètement la culture de la terre, ils ne vivent que de la chair des animaux et qu’avec les animaux. Qui ne sait qu’on y voit des éléphans, des lions, des léopards en grand nombre et d’une force prodigieuse, des buffles très-beaux, et des autruches d’une grandeur prodigieuse ; tous animaux dont on ne trouve aucun dans l’Europe ? Timée, cependant, garde sur tout cela un profond silence, et semble n’avoir pris à tâche que de nous débiter des fables.

Il n’est pas plus fidèle sur l’île de Corse. D’après ce qu’il en dit dans son second livre, on croirait que tout est sauvage dans cette île, chèvres, moutons, bœufs, cerfs, lièvres, loups et encore d’autres animaux. Les habitans, selon lui, n’ont aucune autre industrie que d’aller à la chasse de ces animaux. Il est cependant certain qu’il n’y a dans l’île de Corse aucun de ces animaux qui soit sauvage, mais que cette île contient seulement des renards, des lapins et des moutons. Le lapin, vu de loin, ressemble à un lièvre ; mais quand on le prend, on s’aperçoit qu’il n’a du lièvre ni la figure ni le goût. Il naît pour l’ordinaire sous terre. La raison pour laquelle tous les animaux paraissent là être sauvages, c’est que comme l’île est couvertes d’arbres, et qu’elle est pleine de rochers et de précipices, les pâtres ne peuvent pas suivre leurs bestiaux dans les pâturages. Quand ils trouvent quelque lieu propre à les faire paître, ils sonnent d’une trompe, et chaque troupeau accourt au son de celle de son pâtre, sans jamais prendre l’une pour l’autre. Quand on descend dans l’île, et que voyant des chèvres ou des bœufs paître seuls, on veut les prendre, ces animaux, qui ne sont pas accoutumés à se laisser approcher, prennent d’abord la fuite. Si le pâtre sonne alors de sa trompe, ils accourent à toutes jambes à lui. Là-dessus les étrangers les croient sauvages, et Timée, faute d’examen, s’y est trompé comme les autres.

Au reste ce n’est pas une chose fort surprenante, que de voir ces animaux dociles au son d’une trompe. En Italie ceux qui nourrissent des porcs ne le font pas dans des pâturages séparés ; ils ne suivent pas leurs troupeaux comme on le fait en Grèce : ils marchent devant, et de temps en temps sonnent d’un cornet. Les porcs suivent et courent au son de cet instrument, et chaque troupeau a tellement l’habitude de distinguer le son du cornet de celui à qui il appartient, que cela paraît incroyable à ceux à qui on en parle pour la première fois. Comme on fait en Italie un grand usage des porcs, on en élève

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