Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/752

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
744
POLYBE, LIV. XI.

allait se passer, il fit marcher en avant la cavalerie et les troupes légères, avec ordre d’approcher du camp des ennemis, et d’escarmoucher hardiment, et marcha ensuite lui-même à la tête de l’infanterie. Il ne fut pas plutôt au milieu de la plaine, que, contre l’ordre où il avait coutume de se ranger, il mit les Espagnols au centre et les Romains sur les ailes. La cavalerie arriva au camp des Carthaginois, et l’armée était déjà en bataille à la vue de leur camp, qu’ils avaient à peine eu le temps de prendre leurs armes ; de sorte qu’Asdrubal fut contraint d’envoyer à la hâte et à jeun sa cavalerie et ses troupes légères contre la cavalerie romaine, et de ranger dans l’ordre accoutumé son infanterie dans la plaine, assez près du pied de la montagne.

Pendant l’escarmouche, les Romains demeurèrent quelque temps simples spectateurs ; mais comme le jour s’avançait, et que le combat des troupes légères ne décidait rien de part ni d’autre, parce qu’à mesure qu’elles étaient pressées, elles se retiraient vers leurs gens qui en détachaient d’autres pour prendre leur place, Scipion enfin fit passer les siennes par les intervalles des manipules, et les distribua sur chacune des ailes, derrière ceux qui étaient en ordre de bataille, les troupes légères et la cavalerie en avant, puis il marcha de front vers les ennemis. Quand il en fut environ à cinq cents pas, il ordonna aux Espagnols de continuer leur mouvement direct en bon ordre et au petit pas ; à l’infanterie et à la cavalerie de la droite, de faire une conversion à droite, et à celles de la gauche, de faire le mouvement contraire. Scipion à l’aile droite, Marcius et Silanus à la gauche, ayant pris trois turmes de cavalerie, les vélites correspondans et trois manipules d’infanterie (ce qui fait une syntagme, appelée cohorte par les Romains), ils s’écartèrent vers la droite et la gauche, se séparant du corps de bataille, et marchant, au pas redoublé, droit à la pointe des ailes de l’ennemi, suivis par le reste des ailes. Ces ailes, laissant en arrière le corps de bataille, étaient déjà près de l’ennemi, lorsque les Espagnols en étaient encore éloignés, parce qu’ils marchaient lentement en bataille. De cette manière, Scipion exécuta son projet, qui était de combattre par ses deux ailes avec les troupes romaines, contre les phalanges qui étaient aux ailes des ennemis. Le mouvement que fit faire Scipion à ses troupes pour les remettre en bataille et attaquer l’ennemi de front et toutes ensemble, produisit des mouvemens partiels contraires, soit que l’on en jugeât en général d’aile à aile, soit que l’on considérât en particulier l’infanterie, par rapport à la cavalerie. À la droite, la cavalerie et les vélites s’étendirent vers la droite pour se mettre en bataille, menaçant de déborder les ailes de l’ennemi ; l’infanterie au contraire se mit en bataille par un à gauche. À l’aile gauche, l’infanterie se mit en bataille par un à droite, et la cavalerie avec les troupes légères s’étendirent vers la gauche. D’après ce mouvement de la cavalerie et de l’infanterie légère à chaque aile, ceux qui étaient à droite se trouvèrent à gauche.

Mais le détail et la diversité de ces mouvemens n’étaient pas ce qui occupait Scipion ; son attention était dirigée vers son but de déborder les ailes de l’ennemi ; et c’était avec raison, car il ne suffit point de savoir les mouvemens qui doivent se faire, il faut les exécuter lorsque l’occasion s’en présente. La cavalerie et l’infanterie légère s’étant mises en bataille et ayant engagé l’action, commencèrent à attaquer à coups de