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POLYBE, LIV. X.

pour conduire sous terre des eaux depuis le mont Taurus, d’où s’échappe un grand nombre de cours d’eau, jusque dans ces déserts ; de sorte que, même à présent, ceux qui se servent de ces eaux ne savent pas où prennent leur source les ruisseaux souterrains qui les leur fournissent. Lorsque Arsacès vit qu’Antiochus traversait le désert malgré les difficultés qu’il croyait devoir l’arrêter, sur-le-champ il marcha pour combler les puits. Le roi en fut averti, et fit partir aussitôt Nicomède avec mille chevaux ; mais Arsacès s’était déjà retiré. On ne trouva que quelque peu de cavalerie qui bouchait les ouvertures par lesquelles on descendait aux ruisseaux, et qui prit la fuite dès qu’elle s’aperçut qu’on venait à elle.

Nicomède ayant rejoint l’armée, Antiochus, après avoir traversé le désert, vint à Hécatompyle, ville située au milieu du pays des Parthes, et à laquelle on a donné ce nom, parce qu’elle a des issues pour aller dans tous les lieux qui sont alentour. Là il fit faire halte à ses troupes, et, ayant réfléchi que si Arsacès se sentait en état de combattre, il ne quitterait pas son pays, et ne chercherait pas un endroit plus avantageux pour cela que la plaine d’Hécatompyle, et qu’en se retirant, il donnait assez à connaître qu’il n’avait nulle envie de combattre, il prit le parti de passer dans l’Hyrcanie. Arrivé à Ragas, il apprit des habitans, que le chemin qu’il avait à faire pour parvenir au sommet du mont Labute, d’où l’on descend dans l’Hyrcanie, était extrêmement difficile, et qu’il était tout bordé d’une grande multitude de Barbares. Sur ces avis, il partagea ses soldats armés à la légère en différentes troupes ; il partagea aussi leurs chefs, et désigna à chacun la route qu’il devait tenir. Il fit la même chose à l’égard des pionniers, qui devaient suivre partout les troupes légères, et disposer de telle sorte chaque endroit où ils arriveraient, que les troupes pesamment armées et les bêtes de charge pussent y passer.

Il donna donc le commandement de l’avant-garde à Diogène. Elle était composée d’archers, de frondeurs et de montagnards, qui, habiles à lancer des traits et des pierres, sont d’une très-grande utilité dans les détroits, parce que sans garder aucun rang, ils se battent d’homme à homme dès que l’occasion se présente, et que tout lieu leur est propre. Il leur joignit deux mille Crétois armés de leurs boucliers, sous la conduite de Polixénide le Rhodien. L’arrière-garde que composaient les soldats pesamment armés était commandée par Nicomède et Nicolas, le premier de l’île de Cos et l’autre d’Étolie.

On n’eut pas fait quelque chemin en avant que l’on s’aperçut que les endroits où l’on devait aller étaient beaucoup plus difficiles qu’on ne s’attendait. La montée avait trois cents stades de longueur. Il fallait faire une bonne partie de cette route par un chemin creusé par la chute des torrens, et rempli d’arbres et de pierres qui étaient tombées d’elles-mêmes du haut des rochers escarpés qui le bordaient ; les Barbares avaient encore rendu ce chemin plus difficile par les abatis d’arbres qu’ils y avaient faits, et par la quantité de pierres qu’ils y avaient jetées : ajoutez que, s’il eût fallu nécessairement que toute l’armée d’Antiochus traversât ce chemin, ils avaient tellement pris leurs mesures que ce prince eût été obligé d’abandonner son entreprise. Mais ils n’avaient pas pris garde à tout. Il était vrai que la phalange et les bagages ne pouvaient passer que par là, et que les montagnes voisines leur étaient inaccessibles ; mais les troupes légères pouvaient gravir les