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POLYBE, LIV. X.

était aussi sobre dans sa nourriture que modeste dans ses vêtemens. Il avait appris de ses maîtres qu’un homme négligent dans ce qui le regarde personnellement, est incapable de bien gouverner les affaires d’un état, et que celui qui dépense pour vivre au-delà de ses propres revenus, vivra bientôt aux dépens du public. Créé par les Achéens commandant de la cavalerie, il la trouva dans un complet état de démoralisation, sans discipline et sans courage. Il sut si bien l’exercer et la piquer d’émulation, qu’il la rendit non-seulement meilleure qu’elle n’était auparavant, mais encore de beaucoup supérieure à celle de ses ennemis. La plupart de ceux qui entrent dans cette charge sans connaissance des mouvemens de la cavalerie, ne hasardent point de donner des ordres. D’autres, ambitionnant la préture, ménagent tout le monde et se concilient d’avance ses suffrages. Pour cela ils ne reprennent et ne punissent rien avec cette juste sévérité sans laquelle on expose un état à sa ruine. Ils dissimulent les fautes, et, pour faire une petite grâce ils font un tort infini à ceux qui leur ont confié le commandement. Il en est enfin d’autres qui sont courageux, habiles, désintéressés et exempts d’ambition, mais qui, par une rigidité outrée et importune, font plus de tort aux troupes que ceux qui n’en ont aucune. (Vertus et vices.) Dom Thuillier.


Philippe, roi de Macédoine.


Ce prince, après avoir célébré les jeux Néméens, retourna à Argos, où, quittant le diadème et la pourpre, il voulut vivre d’égal à égal avec tout le monde, et affecta des manières tout-à-fait douces et populaires. Mais plus il se rapprocha du peuple par ses habits, plus la puissance qu’il exerça fut grande et souveraine. Ce n’était plus les femmes veuves ou mariées qu’il tâchait de corrompre : celle qui lui plaisait, il lui envoyait ordre de le venir trouver ; celles qui n’obéissaient pas sur-le-champ, il allait envahir leur demeure avec une troupe d’hommes ivres, et leur faisait violence. Sous divers prétextes déraisonnables, il faisait venir chez lui les enfans des unes, les maris des autres, et les intimidait par ses menaces. Il n’y eut point de désordres où il ne se plongeât, point d’injustices qu’il ne commît. Ces excès irritèrent beaucoup les Achéens, et surtout les plus modérés d’entre eux. Mais, menacés de guerres de tous côtés, il fallait, malgré eux, qu’ils supportassent patiemment les déportemens affreux de ce prince. (Ibid.)


Le même.


Jamais roi n’a eu de plus grands talens pour régner que Philippe, jamais roi n’a déshonoré le trône par de plus grands défauts. Les talens, je crois qu’il les avait reçus de la nature, et que les défauts lui sont venus à mesure qu’il croissait en âge, de même qu’il arrive aux chevaux en vieillissant ; nous n’avons parlé ni des uns ni des autres en commençant son histoire, comme font les autres historiens. Nous réservons nos réflexions pour les joindre aux faits quand ils se présentent. Cette méthode, dont nous usons à l’égard des rois et de tous les personnages marquans, nous paraît plus convenable à l’histoire et plus utile à ceux qui la lisent. (Ibid.)