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POLYBE, LIV. IX.

vaient se jeter en même temps sur les chefs, qui étaient pour l’ordinaire de garde à la porte, et qui alors faisaient leur méridienne ; après quoi Aratus sortirait promptement de son embuscade et viendrait à la porte. Toutes ces mesures prises, dès qu’il fut temps, Aratus vient, se cache le long du fleuve et attend le signal. Pendant ce temps-là un Cynéthéen, qui avait de ces moutons qui paissent autour des villes, ayant quelque chose à dire à son berger, sortit de la porte en manteau vers la cinquième heure du jour, et monta sur le tombeau pour chercher des yeux son berger. Aratus croyant que c’était le signal, court vite à la porte ; mais la garde la ferma promptement, parce qu’il ne s’était encore rien fait dans la ville. Par là, les Achéens non-seulement manquèrent leur entreprise, mais encore furent cause de la perte de ceux qui agissaient de concert avec eux ; car ayant été convaincus de trahison ils furent sur-le-champ mis à mort. Telle fut la cause de ce malheur, sinon qu’Aratus étant encore jeune et ne sachant ce que c’était que des doubles signaux, se contenta d’un simple signal. Tant il faut peu de chose dans les expéditions militaires pour les faire échouer ou réussir !

Cléomène, roi de Lacédémone, s’était de même proposé de surprendre Mégalopolis. Il était convenu avec quelques gardes de la muraille d’approcher pendant la nuit d’un endroit qu’on appelle la Caverne, et il avait choisi pour cela la troisième veille, temps auquel ces soldats devaient monter la garde. Mais n’ayant pas fait attention qu’au lever des Pléiades les nuits sont fort courtes, il ne partit de Lacédémone que vers le coucher du soleil. Il eut donc beau se presser, il était grand jour quand il arriva. Il ne laissa pas que de faire des efforts pour entrer ; mais il paya cher sa témérité et son imprudence, car il fut repoussé honteusement avec perte d’un grand nombre des siens, et courut risque de tout perdre ; au lieu que s’il eût bien pris son temps, les conjurés s’étant rendus maîtres des portes, il serait certainement entré dans la ville.

Nous avons déjà vu ce qui était arrivé à Philippe devant Mélitée. Ce prince malgré les intelligences qu’il avait dans cette ville, manqua son coup par deux fautes qu’il fit : la première d’avoir apporté des échelles plus courtes qu’il ne fallait ; la seconde, de ne point s’être présenté à temps. Au lieu de venir au milieu de la nuit, pendant que tout devait être enseveli dans un profond sommeil, comme il était convenu, il part de Larisse avant le temps qu’il devait se mettre en marche, et arrive dans le pays des Mélitéens ; et comme il ne pouvait rester là de peur qu’on n’apprit dans la ville qu’il y était, ni se retirer sans être aperçu, il fallut malgré sa volonté, qu’il allât toujours en avant. Il arriva devant la ville, mais tout le monde y était alors éveillé. Ses échelles n’étant point proportionnées à la hauteur des murailles, l’escalade ne servit de rien. Il ne put pas non plus entrer par la porte, parce que ce n’était pas le temps d’agir pour ceux qui au dedans s’entendaient avec lui. D’un autre côté, les habitans irrités fondirent sur lui, et taillèrent en pièces une bonne partie de ses troupes. Il se retira enfin avec la honte de n’avoir rien fait, en apprenant par là aux Mélitéens, comme aux autres peuples, à se défier de lui et à se tenir sur leurs gardes.

Nicias, général des Athéniens, avait fort bien pris son temps pendant la nuit pour faire revenir son armée saine et sauve de devant Syracuse, et s’était re-