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rée des chevaliers, on ne lui permit plus de porter cette toge blanche, rayée et bordée de pourpre.

Sans doute elle déposa aussi la phalère qui était, avec l’anneau d’or, une des marques distinctives de l’ordre équestre ; bien que l’on ne soit pas d’accord sur la forme de cette espèce de collier que paraissent avoir porté également les chevaux et les hommes. Julien proclamé empereur, ne possédant point de diadême, emploie pour cet usage une phalère de cheval.

La république était une mère prévoyante, moins occupée à parer ses enfans qu’à les rendre sains et vigoureux. Par une éducation mâle et austère, par la continuité des travaux militaires et l’habitude de la frugalité, elle leur avait formé des corps robustes, capables de se soutenir dans tous les climats. Leur habillement de laine les mettait à l’abri de l’air et de ses intempéries.

L’histoire des guerres de ce peuple donne lieu d’observer que les armées romaines se maintenaient aussi saines et aussi entières dans les marais et les glaces de la Germanie, qu’en Arabie et en Afrique, au milieu des sables arides et brûlans. C’est déjà un immense avantage de n’avoir à combattre que des hommes.

On choisissait le meilleur blé pour l’usage du soldat. Le fantassin en recevait chaque mois quatre boisseaux, ce qui fait un peu plus de vingt-huit onces par jour. Le cavalier romain avait droit à douze boisseaux, et l’on en donnait huit seulement au cavalier des troupes auxiliaires, parce que le premier pouvait nourrir deux valets, et que l’autre n’en avait qu’un.

Les soldats broyaient eux-mêmes leur blé, au moyen d’une pierre, après l’avoir fait rôtir sur des charbons. Dans la suite, lorsqu’ils firent usage du pain, on les obligeait de moudre le blé avec une meule à bras, qui se portait dans chaque décurie. La pâte cuisait sous la cendre. Cette sage coutume dispensait de tout l’attirail des vivres auxquels nous sommes obligés.

Outre le blé ; outre le biscuit que l’on commença seulement à distribuer sous l’empereur Julien, on donnait au soldat du sel, de la chair de porc, de l’huile, du fromage, des légumes, et même de la chair de mouton.

Sa boisson était de l’eau mêlée avec du vinaigre. Le maréchal de Saxe attribue à ce breuvage la santé des armées romaines. Le changement de climat, dit-il, ne produisait point de maladies chez elles, tant qu’elles eurent du vinaigre ; dès que les troupes en manquaient, elles devenaient sujettes aux mêmes accidens que nos soldats. Le vin s’introduisit dans les armées avec le luxe qui causa leur perte.

La discipline réglait l’heure et la forme des repas. Le dîner était fort léger dans le camp comme à la ville ; quand il fallait livrer bataille, on faisait manger les soldats dès le matin, quelquefois même avant le jour. Le souper, qui devenait le repas principal, se prenait à quatre ou cinq heures du soir. Les généraux, les empereurs même se plaisent à donner l’exemple de la frugalité, et font servir leurs repas en public devant leurs tentes.

Polybe et Tacite nous apprennent que l’on prélevait, sur la paye du soldat, les frais de l’habillement, des armes et des tentes ; Polybe dit même que l’on déduisait le blé de leur ration. Mais vers cette époque, la paye du légionnaire était à peu près double de celle du soldat français, attendu le bas prix des denrées en Italie. Comme il haussa, dans la suite, l’habillement fut fourni par l’État.