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POLYBE, LIV. VIII.

entreprise, fit espérer un prompt succès. Sosibe, de son côté, lui promettait que l’argent ne lui manquerait pas pour l’exécution, et lui en promettait beaucoup plus quand l’affaire serait terminée, sans compter les récompenses qu’il devait attendre de la reconnaissance du roi et d’Achéus, récompenses qu’il exagéra le plus qu’il put, pour exalter le courage et les espérances de Bolis.

Celui-ci prit la chose si fort à cœur, que, s’étant muni de bonnes lettres de créance, il se mit sans délai sur mer. Il alla d’abord à Rhodes trouver Nicomaque, qui avait pour Achéus une tendresse de père, et qui avait autant de confiance en lui que s’il eût été son propre fils. De Rhodes il alla à Éphèse, où il s’aboucha avec Mélancome, car c’était de ces deux hommes qu’Achéus s’était prudemment servi pour communiquer avec Ptolémée. Après leur avoir fait part de ses projets, et les ayant trouvés prêts à le seconder de tout leur pouvoir, il envoya un de ses gens nommé Arien, à Cambyle, avec ordre de lui dire que Bolis était venu d’Alexandrie pour lever quelques troupes étrangères, mais qu’il avait à conférer avec lui sur quelques affaires importantes et qu’il lui marquât le temps et le lieu où ils pourraient conférer sans témoins. Cambyle n’eut pas plus tôt entendu ces instructions, qu’il se rendit à tout ce que l’on demandait de lui, et renvoya le messager, qui dit à son maître le jour et le lieu où ils devaient tous deux se rendre pendant la nuit.

Bolis, en homme fourbe et artificieux, selon le génie de sa nation, avait établi tout son plan dans sa tête, et l’avait considéré sous toutes les faces ; arrivé au rendez-vous, il donne une lettre à Cambyle, et sur cette lettre ils tiennent un conseil vraiment digne de deux Crétois. On n’y délibéra point sur les mesures qu’il fallait prendre pour tirer Achéus du danger où il était ; on n’y parla point de la foi qui se devait garder aux hommes qui lui avaient confié cette mission ; ils ne songèrent qu’à leur sûreté propre et à ce qui pourrait leur apporter le plus de profit. Il ne fallut pas beaucoup de temps à ces deux hommes perfides pour convenir, premièrement que les dix talens reçus de Sosibe seraient partagés en commun, et en second lieu qu’après avoir reçu d’Antiochus de l’argent et des espérances dignes d’un si grand service, ils lui déclareraient toute l’affaire, et lui promettraient que, pourvu qu’il voulût les seconder, ils lui livreraient Achéus.

Cambyle prit sur lui ce qu’il y avait à faire auprès d’Antiochus, et Bolis donna sa parole que, dans quelques jours, il enverrait Arien à Achéus avec des lettres de Nicomaque et de Mélancome ; mais il laissa à l’autre le soin de faire en sorte qu’Arien pût entrer dans la citadelle et en sortir en toute sûreté. Ils étaient encore convenus que si Achéus tombait dans le piége, et répondait à Nicomaque et à Mélancome, Bolis se chargerait de l’exécution et viendrait se joindre à Cambyle. Les emplois ainsi partagés, ils se séparèrent, et chacun de son côté fit ce dont on était convenu.

Cambyle, à la première occasion, s’ouvrit au roi sur le projet. Une nouvelle si extraordinaire produisit dans Antiochus des mouvemens différens. Tantôt, ne se possédant pas de joie, il promettait tout ce qu’on lui demandait ; tantôt, n’osant y ajouter foi, il se faisait répéter et les projets et les moyens de l’exécuter. Puis, revenant à croire ce que Cambyle lui disait, et se persuadant que c’était une protection visible des