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POLYBE, LIV. VI.

river ; et comme en guerre les excuse n’ont aucune valeur, on ne veut pas qu’un manipule puisse dire qu’il n’avait point de chef. De ces deux centurions, le premier élu, quand ils se trouvent tous deux présens, marche à la droite de la compagnie, et le dernier à la gauche : lorsque l’un des deux est absent, celui qui reste la conduit tout entière. Dans le choix de ces chefs on ne cherche pas tant qu’ils soient audacieux et entreprenans, qu’habiles dans l’art de commander, persévérans et de bon conseil. On ne demande pas non plus qu’ils soient prompts à en venir aux mains et à commencer le combat, mais qu’ils résistent constamment lorsqu’on les presse, et qu’ils meurent plutôt que d’abandonner leur poste.

La cavalerie se divise de la même manière en dix turmes ; de chacune d’elles on tire trois chefs qui choisissent trois autres officiers pour commander sous eux. Le premier commande la turme, les deux autres tiennent lieu de décurions, et tous sont appelés de ce nom. En l’absence du premier, le second prend le commandement.

Les armes des cavaliers sont à présent les mêmes que celles des Grecs ; mais anciennement ils n’avaient point de cuirasses, ils combattaient avec leurs simples vêtemens : cela leur donnait beaucoup de facilité pour descendre promptement de cheval et y remonter de même. Comme ils étaient dénués d’armes défensives, ils couraient de grands risques dans la mêlée. D’ailleurs, leurs lances leur étaient fort inutiles pour deux raisons : la première, parce qu’étant minces et branlantes, elles ne pouvaient être lancées juste, et qu’avant de frapper l’ennemi, la plupart se brisaient par la seule agitation des chevaux ; la seconde raison, c’est que ces lances, n’étant point ferrées par le bout d’en bas, quand elles s’étaient rompues par le premier coup, le reste ne pouvait plus leur servir de rien. Leur bouclier était fait de cuir de bœuf, et assez semblable à ces gâteaux ovales dont on se sert dans les sacrifices. Cette sorte de bouclier n’était d’aucune défense ; dans aucun cas il n’était assez ferme pour résister, et il l’était encore beaucoup moins lorsque les pluies l’avaient amolli et gâté ; c’est pourquoi, leur armure leur ayant bientôt déplu, ils la changèrent contre celle des Grecs. En effet, les lances de ceux-ci, se tenant raides et fermes, portent le premier coup juste et violent, et servent également par l’extrémité inférieure, qui est ferrée. De même, leurs boucliers sont toujours durs et fermes, soit pour se défendre ou pour attaquer. Aussi les Romains préférèrent bientôt ces armes aux leurs, car c’est de tous les peuples celui qui abandonne le plus facilement ses coutumes pour en prendre de meilleures.

Après que les tribuns militaires ont partagé les troupes et donné pour les armes les ordres nécessaires, ils congédient l’assemblée. Le jour venu où les troupes ont juré de s’assembler dans le lieu marqué par les consuls, rien ne peut les en dispenser, rien ne les relève de leur serment, que les auspices et les difficultés absolument insurmontables. Chaque consul marque séparément un rendez-vous aux troupes qui lui sont destinées, et c’est ordinairement la moitié des alliés et deux légions romaines. Quand tous ces soldats alliés et romains sont assemblés, douze officiers choisis par les consuls et qu’on appelle préfets, sont chargés d’en régler la disposition et d’en former l’armée. D’abord entre les alliés on fait choix des mieux faits et des plus braves pour la cavalerie