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POLYBE, LIV. V.

venir chez eux à la tête de ses troupes, afin que les conférences se tinssent de plus près, et que l’on pût terminer plus commodément les affaires. Le roi, cédant à leurs instances, fit voile vers Naupacte, et campa à environ vingt stades de la ville. Il enferma son camp et ses vaisseaux d’un bon retranchement, et attendit là le temps de l’entrevue.




CHAPITRE XXI.


La paix se conclut entre les alliés. — Harangue d’Agélaüs pour les exhorter à demeurer unis.


Les Étoliens étaient venus à Naupacte sans armes, et, éloignés du camp de Philippe de deux stades, ils envoyaient de leur part des négociateurs. Le roi leur fit proposer par les ambassadeurs des alliés, pour premier article : que de part et d’autre on garderait ce que l’on avait. Les Étoliens y consentirent. Pour le reste, il y eut quantité de députations, qui ne valent pas la peine, pour la plupart, que nous nous y arrêtions. Mais je ne puis laisser ignorer le discours que tint Agélaüs de Naupacte, devant le roi et les ambassadeurs des alliés, dans la première conférence. Il dit donc qu’il serait à souhaiter que les Grecs n’eussent jamais de guerre les uns contre les autres ; que ce serait un grand bienfait des dieux, si, n’ayant que les mêmes sentimens, ils se tenaient tous, pour ainsi dire, par la main, et joignaient toutes leurs forces ensemble pour mettre à couvert eux et leurs villes des insultes des Barbares ; si cela ne se pouvait absolument, que du moins, dans les conjonctures présentes, ils s’unissent ensemble et veillassent à la conservation de la Grèce ; qu’il n’y avait, pour sentir la nécessité de cette union, qu’à jeter les yeux sur les armées formidables qui étaient sur pied, et sur l’importance de la guerre qui se faisait actuellement ; qu’il était évident à quiconque se connaissait médiocrement en politique, que jamais les vainqueurs, soit Carthaginois ou Romains, ne se borneraient à l’empire de l’Italie et de la Sicile, mais qu’ils pousseraient leurs projets au-delà des justes bornes ; que tous les Grecs en général devaient être attentifs au péril dont ils étaient menacés, et surtout Philippe ; que ce prince n’aurait rien à craindre, si, au lieu de travailler à la ruine des Grecs et de faciliter leur défaite à leurs ennemis, comme il avait fait jusqu’alors, il prenait à cœur leurs intérêts comme les siens propres, et veillait à la défense de toute la Grèce, comme si c’était son propre royaume ; que par cette conduite, il gagnerait l’affection des Grecs, qui, de leur côté, le suivraient inviolablement dans toutes ses entreprises, et déconcerteraient, par leur fidélité pour lui, tous les projets que les étrangers pourraient former contre son royaume ; que s’il avait envie d’entreprendre quelque chose, il n’avait qu’à se tourner du côté de l’occident, et à considérer la guerre qui se faisait dans l’Italie ; que, pourvu qu’il se tînt prudemment à la découverte des événemens pour saisir la première occasion, tout semblait lui frayer le chemin à l’empire universel ; que s’il avait quelque chose à démêler avec les Grecs, ou quelque guerre à leur faire, il remît ces différends à un autre temps ; que surtout il prît garde de se conserver toujours la liberté de faire la paix, ou d’avoir avec eux la guerre quand il voudrait ; que s’il souffrait que la nuée qui s’élevait du côté de l’occident vînt fondre sur la Grèce, il craignait fort

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