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POLYBE, LIV. V.

éphores, qui, trompés par un faux bruit que ce roi avait dessein de faire quelques innovations, s’étaient assemblés pendant la nuit, et étaient venus chez lui pour se saisir de sa personne ; mais, sur le pressentiment qu’il eut de cette violence, il prit la fuite avec sa famille. L’hiver venu, Philippe s’en retourna en Macédoine.

Chez les Achéens, Épérate était également méprisé des soldats de la république et des étrangers ; personne n’obéissait à ses ordres. Le pays était ouvert et sans défense. Pyrrhias, envoyé par les Étoliens au secours des Éléens, remarqua ce désordre. Il avait avec lui quatorze cents Étoliens, les mercenaires au service des Éléens, environ mille hommes de pied de sa république et deux cents chevaux, ce qui faisait en tout environ trois mille hommes. Avec ces forces il ravagea non-seulement le pays des Pharéens et des Dyméens, mais encore toutes les terres des Patréens. Il alla enfin camper sur une montagne qui commande Patres, et que l’on appelle Pachanaïque, et de là il mit à feu et à sang tout le pays qui s’étend jusqu’à Rhios et Égée. Les villes abandonnées et ne recevant pas de secours étaient à l’extrémité, et ne pouvaient payer leur contingent qu’avec peine. Les troupes étrangères, dont on reculait de jour en jour le paiement, servaient comme on les payait. Ce mécontentement réciproque jeta les affaires dans un tel désordre, que les soldats mercenaires désertèrent : désertion qui n’arriva que par la lâcheté et la faiblesse du chef. Heureusement pour les Achéens, le temps de sa préture expirait ; il quitta cette charge au commencement de l’été, et Aratus le père fut mis à sa place. Telle était la situation des affaires dans l’Europe.




CHAPITRE VIII.


Pourquoi l’historien a distingué les affaires de la Grèce de celles de l’Asie. — Importance de bien commencer un ouvrage. — Vanité rabaissée des auteurs qui promettent beaucoup. — Conduite déplorable de Ptolémée Philopator. — Piége que lui tend Cléomène, roi de Lacédémone.


Passons maintenant en Asie, puisque le temps et la suite des affaires semble nous y conduire, et voyons ce qui est arrivé dans cette même olympiade. Nous parlerons d’abord, selon notre premier projet, de la guerre que se firent Antiochus et Ptolémée au sujet de la Cœlo-Syrie. Il est vrai que cette guerre se faisait en même temps que celles des Grecs ; mais il était à propos de ne point interrompre les affaires de la Grèce, et d’en séparer les autres. Il n’est point à craindre pour cela que mes lecteurs aient peine à prendre une exacte connaissance du temps où chaque chose s’est passée. Il suffit, pour qu’ils la prennent, que je leur fasse remarquer en quel temps de l’olympiade dont il s’agit les affaires ont commencé et se sont terminées. Mais, afin que la narration fût suivie et distincte, il était d’une extrême importance de ne pas entasser pêle-mêle dans cette olympiade les faits arrivés dans la Grèce et dans l’Asie. Quand nous en serons aux olympiades suivantes, alors nous rapporterons à chaque année ce qui s’y est fait.

En effet, comme nous ne nous sommes pas bornés à quelque histoire particulière, mais que notre projet, le plus grand, si je l’ose dire, qu’on ait jamais formé, embrasse l’histoire de tous les peuples, nous avons dû prendre garde, en l’exécutant, que l’ordre de tout l’ouvrage en général, et celui des parties, fût si clair que personne ne s’y trompât. C’est dans cette vue