Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/576

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
568
POLYBE, LIV. V.

guerre pût venir en si peu de temps d’Étolie à Lacédémone, surtout conduite par un prince dont la grande jeunesse ne devait pas naturellement inspirer beaucoup de craintes. Il n’était pas possible qu’un événement si subit et si imprévu ne jetât l’épouvante parmi les Lacédémoniens. Cette frayeur leur était commune avec tous les ennemis de ce prince, qui en effet menait les affaires avec un courage et une diligence fort au-dessus de son âge. Il part du milieu de l’Étolie, traverse en une nuit le golfe d’Ambracie, et aborde à Leucade. Il reste là deux jours, le troisième il en part de grand matin, le jour suivant il ravage la côte d’Étolie et mouille à Léchée. Il continue sa route, et au septième jour on le voit proche Ménélée, sur les montagnes qui commandent Lacédémone. La plupart en croyaient à peine leurs propres yeux, et les Lacédémoniens ne savaient qu’en penser, ni quel parti prendre.

Dès le premier jour Philippe campa devant Amycles : c’est une place de Laconie, autour de laquelle se voient de très-beaux arbres, et où l’on recueille des fruits excellens ; elle est à vingt stades de Lacédémone. Dans la ville du côté de la mer est un temple d’Apollon, le plus beau qui soit dans la province. Le lendemain Philippe porta le ravage dans les terres et vint jusqu’à l’endroit appelé le camp de Pyrrhus. Les deux jours suivans il ravagea les lieux circonvoisins, et alla camper à Camion, de là à Aisne, contre laquelle ayant fait de vains efforts, il décampa, et, parcourant tout le pays qui est du côté de la mer de Crète, il y mit tout à feu et à sang jusqu’à Ténare. Il prit de là sa route vers un mouillage des Lacédémoniens nommé Gythie, éloigné de Sparte de trente stades, et où les vaisseaux sont en sûreté. Il le laissa en passant à droite et alla mettre le camp devant Élie, dans le pays le plus grand et le plus beau de la Laconie, et d’où il détacha des fourrageurs qui saccagèrent tous les environs et ruinèrent tout ce qui était sur terre. Il vint pillant et ravageant tout jusques à Acrie, Leuce et Boée.

Les Messéniens n’eurent pas plus tôt reçu les lettres de Philippe, qui leur mandait de lever des troupes, que, se piquant d’émulation, ils se mirent en campagne au nombre de deux mille hommes de pied et de deux cents chevaux, tous gens choisis. Ils arrivèrent à Tégée plus tard que Philippe : la longue route qu’ils avaient eue à faire en était la cause. Ce retardement les affligea : ils craignirent que, sur les soupçons qu’on avait autrefois conçus de leur fidélité, on ne les accusât d’être venus lentement à dessein. Pour rejoindre plus tôt le roi, ils traversèrent le pays d’Argos. Arrivés à Glympes, place située sur les confins d’Argos et de la Laconie, ils campèrent devant, mais sans prudence et sans précaution. Ils ne songèrent ni à fortifier leur camp, ni à choisir un poste avantageux, comme s’ils eussent été sûrs de la bonne volonté des habitans ; ils ne soupçonnèrent pas même qu’il pût leur arriver aucun mal. Lycurgue apprit que les Messéniens étaient devant les murailles de Glympes, et alla au devant d’eux avec ses mercenaires et quelques Lacédémoniens. Il les joignit au point du jour, et les chargea vivement. Les Messéniens, quoique sortis de Tégée sans avoir assez de monde pour se défendre, quoique combattant sans écouter les conseils des plus expérimentés d’entre eux, ne laissèrent pas de se tirer adroitement du danger. Dès qu’ils virent l’ennemi, ils laissèrent là leurs bagages, et se retirèrent dans le fort. Il