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POLYBE, LIV. V.

LIVRE CINQUIÈME.

CHAPITRE PREMIER.


Philippe regagne l’amitié des Aratus, et obtient par leur crédit des secours de la part des Achéens. — Il prend le parti de faire la guerre par mer. — Trois de ses premiers officiers conspirent contre lui.


L’année de la préture du jeune Aratus finit, selon la manière de compter des Achéens, au lever des Pléiades, et Épérate lui succéda : Dorimaque était alors préteur chez les Étoliens. Ce fut vers ce même temps qu’Annibal, au commencement de l’été, ayant ouvertement déclaré la guerre aux Romains, partit de Carthage-la-Neuve, passa l’Èbre, et prit sa route vers l’Italie ; que les Romains envoyèrent Tiberius Sempronius en Afrique avec une armée, et Publius Cornelius en Espagne ; et qu’Antiochus et Ptolémée, ne pouvant terminer par des conférences leur contestation sur la Cœlo-Syrie, se disposèrent à la décider par les armes.

Philippe, n’ayant ni vivres ni argent pour se mettre en campagne, fit assembler le conseil des Achéens par leurs magistrats, et l’assemblée se tint à Égium, selon la coutume. Là le roi, qui voyait qu’Aratus, indigné de l’affront qu’il avait reçu aux derniers comices par les intrigues d’Apelles, n’usait en sa faveur ni de son crédit ni de son autorité, et qu’Épérate, naturellement inhabile à tout, était méprisé de tout le monde, il ouvrit les yeux sur les mauvaises manœuvres d’Apelles et de Léontius, et résolut de se bien remettre dans l’esprit d’Aratus. Pour cela il persuada aux magistrats de transférer l’assemblée à Sicyone, où voyant à son aise les deux Aratus, et chargeant Apelles seul de tout ce qui s’était passé à leur préjudice, il les exhorta à ne pas se départir des sentimens qu’ils avaient conçus d’abord pour lui. Il entra ensuite dans l’assemblée, où, par le crédit de ces deux magistrats, il obtint des Achéens tout ce qu’il souhaitait. Il fut ordonné que les Achéens lui donneraient cinquante talens le premier jour qu’il se mettrait en marche ; et aux troupes la paie de trois mois avec dix mille mesures de blé ; et tant qu’il serait dans le Péloponnèse, dix-sept talens par mois. Ainsi se termina cette assemblée, et les Achéens qui la composaient se retirèrent chacun dans leurs villes.

Les troupes sorties des quartiers d’hiver, Philippe, après avoir pris conseil de ses amis, jugea à propos de faire la guerre par mer. Sa raison fut que c’était le seul moyen d’accabler bientôt et de tous côtés ses ennemis, qui ne pourraient point se secourir les uns les autres, dispersés comme ils étaient dans différens pays, et craignant d’ailleurs pour eux-mêmes un ennemi dont ils ignoraient les desseins, et qui par mer pouvait bientôt tomber sur eux : car c’était aux Étoliens, aux Lacédémoniens et aux Éléens que Philippe devait faire la guerre. Ce dessein pris, il assembla les vaisseaux des Achéens et les siens propres à Léchée, où par un exercice continuel il accoutuma son infanterie macédonienne à ramer. Il trouva dans ses soldats toute la docilité et toute l’ardeur possibles ; car les Macédoniens ne se distinguent pas seulement par leur courage et leur valeur dans les batailles rangées sur terre, ils sont encore très-propres au service de mer, si l’occasion s’en présente. Ce sont des gens exercés à creuser des fossés, à élever des retran-