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POLYBE, LIV. IV.

l’Athénée. C’est ainsi que ce peuple, qui, pendant qu’il se gouvernait par les lois de Lycurgue, formait une si belle république et s’était rendu si puissant, s’affaiblissait peu à peu depuis la bataille de Leuctres, et penchait à sa ruine, jusqu’à ce qu’enfin accablé d’infortunes, déchiré par des séditions intestines, inquiété par de fréquens partages de terres et par des exils, il se soumît à la tyrannie de Nabis, lui qui jusqu’alors ne pouvait pas même entendre prononcer le mot de servitude. Mais assez d’écrivains ont traité de l’ancienne splendeur et de la chute des Lacédémoniens. Ce qu’il y a de très-certain, c’est ce qui s’est passé dans cette république depuis que Cléomène eut renversé de fond en comble l’ancien gouvernement. Nous rapporterons chaque chose en son temps. De Mégalopolis le roi vint par Tégée à Argos, où il passa le reste de l’hiver, applaudi et admiré autant pour la vertu qui le guidait dans toutes ses actions, que pour ses exploits dans la guerre où il s’était signalé au‑delà de ce qu’on devait attendre d’un prince de son âge.

Pour revenir à Apelles, la défense que Philippe lui avait faite de rien commander aux Achéens sans la participation de leur chef, ne lui fit pas perdre de vue le premier dessein qu’il avait conçu de faire passer peu à peu les Achéens sous le joug. Mais les Aratus l’embarrassaient. Philippe avait de la considération pour eux principalement pour le père, qui avait été connu d’Antigonus, dont le crédit sur les Achéens était grand, et qui à une adresse remarquable joignait une intelligence profonde des affaires. Pour surprendre ces deux personnages, voici l’expédient dont il s’avisa. Il s’informa exactement qui étaient ceux qui ne goûtaient pas la manière de gouverner des Aratus ; il les fit venir chez lui des villes voisines, et là il n’y a point de caresses qu’il ne leur fit pour s’insinuer dans leurs esprits et gagner leur amitié. Il leur ménageait aussi les bonnes grâces de Philippe, en faisant entendre à ce prince que, s’il s’en tenait aux conseils des Aratus, il ne pourrait agir avec les Achéens que conformément au traité d’alliance fait avec eux ; au lieu que, s’il voulait l’en croire, et s’attachait ceux qu’il lui présentait, il disposerait à son gré de tous les peuples du Péloponnèse. Le temps des comices approchant, comme il cherchait à faire tomber la préture à quelqu’un de ses nouveaux amis, et à en faire exclure les Aratus, il persuada au roi de faire semblant d’aller à Élée, et, sous ce prétexte, de se trouver à Égium au temps des comices des Achéens. Le roi se rendit à ce conseil. Apelles alla aussi à Égium au temps qu’il fallait, et, à force de prières et de menaces, il vint à bout, quoiqu’avec peine, de faire élire pour préteur Épérate de Pharée, à l’exclusion de Timoxène, pour qui les Aratus briguaient cette dignité.

Après cela Philippe se mit en marche, et, passant par Patres et par Dymes, il arriva à Tichos, château du pays des Dyméens, et où peu de temps auparavant Euripidas s’était jeté comme nous avons déjà dit plus haut. Le roi, pour remettre ce poste aux Dyméens, campa devant avec toutes ses forces. Les Éléens, qui le gardaient, ne tinrent pas long-temps contre la frayeur que cet appareil leur donna : ils ouvrirent à Philippe les portes de cette forteresse, peu étendue à la vérité, puisqu’elle n’a pas plus d’un stade et demi de circuit, mais d’une force peu commune : car les murailles n’ont pas moins de trente coudées de hauteur. Philippe la rendit aux Dyméens, fit